Le Canada a importé beaucoup de boeuf des États-Unis (165,9 millions de kilogrammes) en 2011. Mais saviez-vous que votre bifteck peut aussi venir de la Nouvelle-Zélande, de l'Australie ou de l'Uruguay, les trois autres principaux pays qui ont exporté du boeuf au Canada, l'an dernier?

«Le consommateur voit «boeuf Canada A» dans les circulaires et pense que le boeuf vendu à l'épicerie est toujours canadien, mais c'est faux», dénonce Daniel Morel, producteur de boeuf à Roxton Falls, en Montérégie. Le classement du boeuf (Canada Prime, AAA, etc.) fait référence au persillage (filaments de graisse qui parsèment la viande), pas à son origine.

Indiquer le pays d'où vient la viande n'est pas obligatoire au Canada. «Quand une viande est transformée ici ou quand un produit de la viande est étiqueté sur place par le détaillant, l'étiquette n'a pas l'obligation d'indiquer le pays de provenance», a confirmé à La Presse Lisa Gauthier, porte-parole de l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA). Exception: quand il s'agit d'une viande importée préemballée, l'étiquette doit indiquer le pays d'origine.

«Ça devrait être primordial de savoir ce qu'on mange, a fait valoir M. Morel. Quand on achète des champignons de Chine, c'est marqué sur la boîte. Pourquoi n'est-ce pas écrit pour le boeuf?»

23% de boeuf québécois

Même le ministère de l'Agriculture (MAPAQ) ne sait pas exactement d'où vient le boeuf que les Québécois mangent. «Nous estimons que 23% du marché québécois a été approvisionné par la production québécoise en 2010», a indiqué Caroline Fraser, porte-parole du MAPAQ. Le reste provient à 70%, des autres provinces canadiennes ou... de pays étrangers, après être passé par l'une de ces provinces. Seulement 7% de notre boeuf est importé directement au Québec, surtout de la Nouvelle-Zélande (à 48%) et de l'Uruguay (33%).

«Au Québec, on ne produit pas assez de boeuf pour notre consommation, a dit Sonia Dumont, responsable des communications à la Fédération des producteurs de bovins du Québec. Mais ça ne veut pas dire qu'on n'aspire pas à ce qu'il y ait une bonne identification, au contraire! Comme on a un excellent système de traçabilité, on aimerait que les consommateurs sachent quand leur boeuf vient du Québec.»

Dany Cinq-Mars, professeur au département des sciences animales de l'Université Laval, est d'accord. «En tant que consommateur, précise-t-il, je souhaite connaître la provenance des choses que j'achète pour faire mes choix selon mes convictions.»

Baisse de production

Le Québec comptait 15 000 fermes consacrées en partie ou totalement aux bovins en 2003; il en reste 12 450 aujourd'hui. «Il y a une décroissance du nombre d'entreprises agricoles et une décroissance de volume», indique Mme Dumont. La production de boeuf, tous secteurs confondus, a fondu de 16,7% (par nombre de têtes) depuis cinq ans.

«On est pratiquement en voie d'extinction, déplore M. Morel, qui vend lui-même son boeuf Angus à Richmond, Shefford, Mascouche, Saint-Constant et Montréal. Je pensais que c'était un métier bien valorisant, de nourrir le monde. Mais je m'aperçois que le monde achète juste un prix et se fout du reste.»

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Le Québec exporte du boeuf

Près de 28% de la production de boeuf du Québec est exportée, à 80% chez notre voisin du Sud. «On a une particularité, c'est que nos animaux sont abattus en grand nombre aux États-Unis», dit Sonia Dumont, de la Fédération des producteurs de bovins du Québec.

Pourquoi? Parce que la province manque d'abattoirs d'importance. Le seul - Levinoff-Colbex, situé à Saint-Cyrille-de-Wendover - est spécialisé dans les animaux de réforme, qui servent à faire de la viande hachée.