À trois reprises, le ministère de la Défense nationale est passé tout près d'obtenir le feu vert du conseil des ministres pour l'achat d'aéronefs à voilure fixe et d'avions de recherche et de sauvetage, mais le projet d'une valeur de 3,1 milliards $ a été bloqué par d'autres ministères qui s'y sont opposés, ont révélé des sources internes de la défense canadienne.

Vendredi, la frustration des hauts fonctionnaires et autorités militaires envers le gouvernement, incapable de mener à terme le projet d'achat visant à remplacer les C-115 Buffalo et les C-130-H Hercules, vieux de 50 et 30 ans, respectivement, était palpable.

Les éventuels soumissionnaires ont été avisés cette semaine qu'un appel d'offres officiel avait été repoussé à l'an prochain, une situation qui a soulevé des craintes à savoir si ces délais pourraient coûter la vie à certaines personnes.

Les avions Buffalo atteindront la fin de leur durée d'utilisation prévue dans moins de trois ans, tandis que plusieurs de leurs pièces de remplacement ne sont plus produites.

Des sources de la défense canadienne ont indiqué qu'Industrie Canada avait émis des réserves à propos des avantages pour les industries régionales, et le ministère des Travaux publics a quant à lui remis en question le processus utilisé pour trouver de nouveaux avions de recherche.

«Nous sommes passés très près à trois reprises, mais le programme a également été bloqué trois fois», a déclaré une source militaire.

Le projet, qui avait été annoncé par le gouvernement de Paul Martin, peine à avancer depuis près de dix ans. Le gouvernement Harper espérait qu'une annonce soit faite cet été afin de dévoiler les détails du programme, mais l'information dévoilée samedi indique plutôt que le projet en sera encore à la phase de consultation et de discussion.

Le ministère des Travaux publics a publié un document dans lequel il demande aux éventuels soumissionnaires d'envoyer des lettres d'intérêt. Il a également annoncé que des séances d'information à propos du programme auront lieu le 11 avril.

Le lieutenant général André Deschamps, chef d'état-major de la force aérienne, a déclaré lors d'une récente entrevue avec La Presse canadienne qu'une fois les soumissions reçues, celles-ci seront soumises à d'autres révisions afin d'évaluer si elles correspondent aux «critères établis pour le succès des missions».

Mais la possibilité que le processus prenne encore un an inquiète le porte-parole libéral en matière de défense, John McKay.

«Je ne comprends pas, a-t-il déclaré vendredi. Nous parlons de cette acquisition depuis des années, des décennies. Je ne comprends pas pourquoi le processus est aussi compliqué.»

Il y a cinq ans, des allégations avaient été formulées contre les Forces aériennes, celles-ci étant soupçonnées d'avoir truqué les critères de la soumission afin de favoriser le C-27J Spartan, un appareil italien. Le ministre de la Défense avait alors ordonné qu'un examen du dossier soit fait par le Conseil national de recherches.

John McKay estime qu'il est temps de faire un appel d'offres officiel. Selon lui, la sécurité publique en dépend.

«Plus le processus est long, plus nous augmentons le risque que des incidents surviennent», a déclaré John McKay.

Il a formulé une mise en garde à propos des avions de recherche à voilure fixe, dont la disponibilité pourrait diminuer malgré les efforts des mécaniciens, et au sujet d'une éventuelle situation tragique advenant le cas où les avions n'étaient pas disponibles lorsque nécessaire.

Les conservateurs ont talonné les libéraux durant des années, leur reprochant leur incapacité et leur manque de volonté à remplacer les hélicoptères Sea King lorsqu'ils étaient au pouvoir.

John McKay estime que le gouvernement Harper ne peut désormais plus se vanter de son efficacité dans le dossier, qui continue à traîner en longueur.