Après des mois de torpeur, le printemps risque d'être agité dans les mondes municipal et politique. En plus du début des audiences publiques de la commission Charbonneau, plusieurs importants dossiers de vérification contractuelle et éthique vont aboutir très prochainement, a appris La Presse, sans compter les développements dans les enquêtes policières. Y aura-t-il télescopages, faute de coordination?

«Ce qu'il nous faut, c'est des résultats [...]. Ils se font attendre, et ceux qui paient pour ça le plus, ce sont les élus qui sont en cause.» C'est ainsi que le député de la Coalition avenir Québec (CAQ) Daniel Ratthé a interpellé le ministre des Affaires municipales, Laurent Lessard, en avril dernier lors de l'étude des crédits du Ministère.

Laval, Terrebonne, Mascouche, Montréal... Le ministère des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire (MAMROT) confirme qu'il va rendre publics en rafale, au cours des prochaines semaines, ses rapports sur le processus d'attribution des contrats dans ces quatre villes qui retiennent l'attention des médias. Des villes qui gèrent des «budgets de plusieurs centaines de millions de dollars», a justifié le ministre Lessard en réplique à Daniel Ratthé. Il a cité l'exemple de Laval qui a accordé «plus de 1300 contrats de plus de 25 000 $ au cours des deux dernières années».

À Montréal

Pour Montréal, la vérification ne porte que sur les contrats des firmes de sécurité, à la suite des scandales de BCIA et de Sécur-Action.

On attend aussi les rapports sur Montréal-Est, Dunham, Shannon et Saint-Colomban.

La portée de ces vérifications et leurs conséquences sont toutefois limitées en raison du mandat confié aux vérificateurs du Ministère en vertu de la loi 76. Leur rôle n'est pas de découvrir si un maire a financé sa caisse avec des contrats gonflés ou si un cartel d'entrepreneurs se répartit les soumissions. Mais les 10 rapports rendus publics jusqu'à présent (Saint-Jérôme, Saint-Constant, etc.) n'étaient pas très incisifs, y compris dans le choix des mots employés. Les villes et organismes concernés aussi faisaient partie des ligues mineures.

La pression est plus forte du côté de la police et de la justice.

Au mois de février, le bureau du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), qui se trouve au bout du processus, a confié à La Presse que cinq dossiers de l'escouade Marteau, intégrée depuis un an à l'Unité permanente anticorruption (UPAC), étaient «à l'étude». Un autre serait sur le point d'être ajouté. Des personnages plutôt connus, entre autres à Montréal et dans sa banlieue, sont dans la ligne de mire. On n'exclut plus que des développements surviennent bientôt.

Pour chaque dossier, le DPCP a le choix: le fermer, demander un complément d'enquête aux policiers ou déposer des accusations. Si le DPCP donne son accord, le processus qui mène à l'opération policière entraîne un autre délai.

Prudent, le porte-parole du DPCP, Me René Verret, s'est contenté de dire hier qu'il ne faut pas s'attendre à du «concret au cours des prochains jours» dans ces «dossiers de longue haleine». Or plusieurs traînent, ce qui a provoqué de l'impatience chez les policiers. À mots couverts, certains ont déjà reproché aux procureurs de la Couronne d'exiger des «coupables clés en main» pour leur «mâcher» le travail en cour.

Plusieurs enquêtes

Il faut préciser aussi qu'une même ville, comme Montréal ou Laval, où les policiers sont toujours à l'oeuvre, peut être concernée par plus d'une enquête. Dépôt de rapports du Ministère d'un côté, arrestations-perquisitions par la Sûreté du Québec (SQ) de l'autre, il y a risque de télescopage en cas de manque de coordination au sein de l'UPAC. Même si les mandats des affaires municipales et de la SQ ne sont pas les mêmes, le premier agissant en vertu des lois municipales, donc aucunement de nature criminelle, personne ne veut réitérer le cafouillage récent de Saint-Constant où le maire a vu arriver chez lui des enquêteurs de l'UPAC moins de 24 heures après qu'il eut été blanchi par les Affaires municipales.

«C'est l'enquête qui mène l'agenda, explique Anne-Frédérick Laurence, de l'UPAC. Les policiers perquisitionnent lorsqu'ils sont prêts et le MAMROT a aussi ses impératifs.»

La commission Charbonneau

Enfin, mai marquera le vrai lancement de la commission Charbonneau avec le discours de la commissaire. «Les premières audiences publiques auront lieu avant l'été comme prévu», assure Richard Bourdon, porte-parole.

Pour des «raisons de sécurité», peut-être pour éviter la pose de micros clandestins, pas question de confirmer à l'heure actuelle l'emplacement de la salle d'audience.

Près de 200 personnes se sont déjà manifestées pour révéler des choses, «certaines très pertinentes», nous dit-on.