L'abattage halal heurte les valeurs des Québécois, qui ont choisi de tuer les animaux «en minimisant les souffrances», a dit le député péquiste André Simard. Mais qu'en est-il de l'élevage industriel? demande Élise Desaulniers, spécialiste de l'éthique alimentaire. Un animal ne devient pas conscient et sensible au moment d'être tué, rappelle-t-elle.

Si on montrait aux gens certaines réalités de l'industrie, comme «des porcs gelés après 36 heures de transport, des truies coincées dans leurs cages ou des poules pondeuses entassées, leurs réactions seraient probablement les mêmes que devant les méthodes halal», estime l'auteure de Je mange avec ma tête, paru chez Stanké. Si on veut réfléchir au traitement qu'on fait subir aux animaux, il faut oser regarder la chaîne de production dans son ensemble. La question est beaucoup plus large que halal ou non-halal.»

En Europe, les cages en batteries pour poules pondeuses sont interdites depuis le 1er janvier, pour assurer un meilleur bien-être aux volatiles. Désormais, les poules doivent disposer de 750 cm2 au moins par volaille, d'un nid, d'une litière, d'un perchoir, dont elles sont généralement privées au Québec. Ce n'est pas que positif: la production d'oeufs a baissé de 10% en France et les prix ont augmenté, car des agriculteurs ont tardé à se mettre aux normes, a rapporté Le Télégramme de Bretagne.

Chez nous, les poules sont toujours majoritairement dans des cages, laissant à chacune un minimum de 432 cm2, selon la Fédération des producteurs d'oeufs de consommation du Québec. Pour comparer, la superficie d'une feuille standard est de 600 cm2.

Des cochons mieux traités en Europe

Dès janvier prochain, ce sera au tour des cochons européens de profiter de meilleures conditions d'élevage. Le confinement permanent des truies dans un espace restreint (pratiqué au Québec) sera interdit. Des mesures de bien-être animal pas très bien accueillies par les producteurs de porc, qui disent être étranglés financièrement, selon Le Monde.

Ici, Viandes duBreton a lancé le «porc rustique». Il se distingue par un élevage dont les «normes de bien-être sont supérieures aux normes actuelles de l'industrie», a indiqué Claire Michaud, porte-parole de duBreton. Élevé avec 50% plus d'espace que les autres, sans cages de gestation, ce porc a le sceau du programme «Certified Humane», qui certifie qu'il est élevé «humainement» ! Il coûte aussi 30% plus cher à produire.

Comme conduire une voiture ultrapolluante

Il faut que le Canada emboîte le pas à l'Europe, selon Rebecca Aldworth, directrice de la Humane Society International du Canada, organisme de défense des animaux. «Je suis allée dans plusieurs fermes porcines du Québec, et les porcs y sont traités comme des machines», a-t-elle déploré.

Au contraire, «les producteurs ont à coeur le bien-être des animaux et croient fermement que ces derniers doivent être traités correctement, a indiqué Patrice Juneau, porte-parole de l'Union des producteurs agricoles. Il est dans l'intérêt de tous les membres de l'industrie agroalimentaire, autant que du grand public, de faire en sorte que les animaux soient élevés de la façon la plus soigneuse et la plus consciencieuse possible».

Élise Desaulniers estime aussi qu'on doit suivre l'exemple européen et améliorer le sort de nos animaux d'élevage. «Je pense qu'on n'a pas le choix, a-t-elle fait valoir. La nourriture mal produite ne devrait même pas être une option. Est-ce qu'on accepterait de conduire une voiture ultrapolluante simplement parce qu'elle est moins chère?»