La décriminalisation des maisons de débauche décrétée lundi par la Cour d'appel de l'Ontario, «renforce l'exploitation des femmes prostituées par les proxénètes», estime la présidente du Conseil du Statut de la femme, Julie Miville-Dechêne, peu après le verdict de la Cour d'appel de l'Ontario qui a invalidé l'interdiction de tenir une maison close. La Cour ontarienne maintient qu'il est illégal de solliciter une personne dans la rue pour lui vendre des services sexuels.

Dans son jugement, rendu à Toronto, le plus haut tribunal de cette province a notamment indiqué qu'il était plus sécuritaire pour les prostituées de travailler dans un environnement «contrôlé», comme celui d'une maison close.

Le Conseil québécois du statut de la femme est en désaccord avec le tribunal car il estime que la grande majorité des prostituées n'ont pas véritablement choisi de vendre leur corps au plus offrant. Pour le Conseil, ce jugement «risque de donner encore plus de marge de manoeuvre à ceux qui exploitent les prostituées, soit les proxénètes et les clients».

«Les gouvernements doivent intervenir dans ce débat juridique pour mieux protéger les femmes victimes de ce commerce et afin de les aider, par des services appropriés, à se sortir du cercle vicieux de la prostitution», estime Julie Miville-Dechêne, présidente du Conseil.

En ce moment, les tribunaux ontariens privilégient les droits individuels de certaines «travailleuses du sexe» au détriment du droit collectif à la dignité humaine de la vaste majorité des prostituées. Il est faux de croire qu'on ne peut rien faire pour combattre ce que certains ont baptisé à tort de «plus vieux métier du monde». Des pays, comme la Suède, ont mis sur pied des stratégies prometteuses.

Dans quelques semaines le Conseil compte publier un avis sur la prostitution, dans le but de proposer aux gouvernements «des pistes de solution pour contrer cette forme d'exploitation que nous refusons de banaliser. Pour nous, il s'agit d'un rappel dramatique que l'égalité entre les hommes et les femmes n'est pas atteinte», observe le Conseil.

Dans son verdict, lundi la cour ontarienne donne un an au gouvernement Harper pour procéder à des amendements à la loi, s'il le désire.

Toutefois, la Cour d'appel reconnaît que la sollicitation sur la voie publique a des impacts sur la communauté environnante, et elle maintient ainsi l'interdiction de vendre de tels services sur la rue.

Les gouvernements du Canada et de l'Ontario avaient porté en appel une décision de la Cour supérieure de la province qui avait invalidé les lois interdisant de tenir une maison de débauche, de solliciter des clients à des fins de prostitution, et de vivre des fruits d'un tel commerce.

En 2010, la Cour supérieure de l'Ontario avait soutenu que ces trois lois exposaient les prostituées à des risques pour leur sécurité. Le tribunal avait décrété que ces lois violaient le Charte canadienne des droits et libertés en forçant les prostituées à choisir entre leur liberté et leur sécurité.

Les travailleuses du sexe soutiennent que la loi contre les maisons closes est dangereuse pour elles puisque les risques de violence sont beaucoup moins importants lorsqu'elles peuvent exercer leurs activités à l'intérieur.