Le Canada a adopté une attitude de grande prudence devant l'audacieux projet qu'avait claironné avec enthousiasme la veille le président français Nicolas Sarkozy, qui a parlé de «refonder le capitalisme» pour faire face à la crise financière.

Le premier ministre Stephen Harper, qui a rencontré le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon en marge du Sommet de Québec, souhaite des actions « robustes mais prudentes». «Il ne faut pas causer de dommages permanents à l'économie mondiale» a expliqué Dimitri Soudas, porte-parole du premier ministre canadien.

Le Canada est favorable à une réunion d'urgence, et M. Harper reconnaît que la situation internationale est actuellement très délicate, a dit M. Soudas. «Mais notre action collective doit être conduite avec précaution, afin que la crise ne prenne pas plus d'ampleur.»

Le Canada offre l'exemple de son système bancaire, «qui n'a pas eu besoin de l'injection de centaines de millions pour être soutenu», et est prêt à partager sur les solutions mises en place ici.

Ottawa ne souhaite donc pas emprunter le langage volontariste du président Sarkozy. Plutôt que de «refonder le capitalisme», il s'agit d'abord de juguler la crise actuelle. Une fois cette première étape franchie, il faudra «mettre en place des mécanismes pour éviter que cela se reproduise. C'est l'objectif partagé par tous ceux qui sont préoccupés par la situation actuelle», a dit M. Soudas.

Sommet mondial

À Québec, au premier forum Nord-Sud depuis l'effondrement des marchés, la Francophonie a décidé hier d'ajouter son poids pour que s'organise rapidement un sommet mondial sur la crise financière.

Ottawa, pour sa part, ne croit pas à la nécessité de fixer à ce moment-ci le format d'un éventuel sommet de crise.

Ban Ki-moon, pour sa part, souscrit aussi à une rencontre au plus haut niveau. Il offre même les installations de l'ONU à New York, espérant ainsi donner «une légitimité universelle à cet engagement » et « démontrer une volonté collective de faire face à ce défi mondial et sérieux».

«Nous sommes d'accord, il n'y a pas de temps à perdre», écrit Ban Ki-moon, en anglais, dans une lettre au président Sarkozy. Les deux hommes se sont parlé hier, en marge de la réunion des 55 pays de la Francophonie.

Juste après, M. Sarkozy s'est envolé pour Camp David, où il a rencontré le président George W. Bush. Avec le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, ils se sont entendus sur l'idée d'une série de sommets pour faire face à la crise, dont le premier aurait lieu peu après la présidentielle américaine du 4 novembre, selon un communiqué de la Maison-Blanche. Ils ont en outre convenu d'aborder la question avec les autres dirigeants internationaux la semaine prochaine, poursuit le communiqué.

Quant au lieu, un porte-parole de la Maison-Blanche, Tony Fratto a affirmé que la décision n'était pas arrêtée. M. Fratto a soutenu que si MM. Bush, Sarkozy et Barroso proposaient une série de sommets, c'est parce que les problèmes soulevés par la crise sont nombreux et vastes, et qu'ils touchent un grand nombre de pays. Il serait donc «trop ambitieux» de penser que cela puisse être réglé en un seul sommet.

La veille, avec emphase, M. Sarkozy avait dit viser à « remettre à plat le système financier et monétaire mondial » et estimé que le Canada «peut apporter une contribution essentielle pour aider à refonder le capitalisme».

L'Afrique préoccupée

Mais autour de la table, hier à Québec, des leaders africains se sont dits forts préoccupés par les secousses de la crise actuelle, qui, ils le savent, ne les épargnera pas. L'un deux a même dit: «Les pays développés subissent une crise importante, et on la sent venir...» «Le tiers-monde n'est pas encore touché, mais il est extrêmement inquiet» explique-t-on aux Affaires étrangères canadiennes.

Le forum de Québec aura permis aux pays développés de partager leur expérience douloureuse des dernières semaines.

- Avec AFP