Jamais une telle chose ne s'était produite à la Chambre des communes. Jamais on n'a vu les libéraux se lever d'un bond et applaudir le chef du Bloc québécois Gilles Duceppe. Pourtant, c'est ce qui s'est produit hier.«Pincez-moi!» a dû lancer M. Duceppe à ses troupes.

Le premier ministre Stephen Harper, qui a tout de même eu le courage de se présenter à la période des questions hier, sachant fort bien qu'elle risquait d'être houleuse et humiliante, était blême.

«C'est incroyable de voir le parti de Laurier et Trudeau applaudissant le chef du Bloc», a-t-il laissé échapper, sidéré.

Tous les conservateurs avaient le visage long. Le ministre Jean-Pierre Blackburn avait lancé aux journalistes un peu plus tôt à la sortie d'une réunion du caucus conservateur en parlant de la coalition PLC-NPD-BQ : «C'est un coup d'État!»

Il était étonnant aussi de voir les néo-démocrates applaudir à tout rompre Stéphane Dion et les libéraux applaudir avec force Jack Layton!

Tout s'est passé comme si les trois partis de l'opposition s'étaient concertés avant la séance. Toutes les questions n'avaient qu'un seul et même objectif, peu importe de quel parti elles provenaient : faire reconnaître au premier ministre Stephen Harper et à son gouvernement qu'ils n'avaient plus la confiance de la Chambre.

Stéphane Dion - encore ébranlé par la tournure des événements et par la perspective de devenir premier ministre du Canada - a ouvert le bal.

«L'économie du Canada est au bord de la récession, a-t-il dit. Des emplois sont perdus. Les travailleurs canadiens et leurs familles sont inquiets. Et au lieu d'offrir aux Canadiens un train de mesures pour stimuler l'économie lors de sa mise à jour économique la semaine dernière, le premier ministre a décidé de se livrer à des petits jeux politiques en ignorant les difficultés qui s'abattent sur les Canadiens. Est-ce que le premier ministre croit encore qu'il jouit de la confiance de cette Chambre?»

M. Harper a tenté de faire valoir que son ministre des Finances avait promis des fonds supplémentaires pour la Banque de développement du Canada, pour les industries manufacturières et de l'automobile, une aide accrue aux personnes âgées et diverses autres mesures pour renforcer le système financier, la conviction n'y était pas.

«Quand l'honorable gentleman parle de petits jeux politiques, a-t-il quand même lancé dans un sursaut, je pense qu'il s'apprête à jouer le plus gros jeu politique de toute l'histoire du Canada.»

M. Dion a alors rappelé au premier ministre qu'en 2004, alors qu'il était chef de l'opposition, il avait défini la règle de conduite d'un gouvernement minoritaire de la façon suivante : « Si le gouvernement veut gouverner, il doit faire la preuve qu'il est capable d'obtenir le soutien de la majorité des députés.»

«Or, jusqu'à présent, a ajouté le chef libéral, ils n'ont fait aucun effort en ce sens. Le premier ministre va-t-il admettre qu'il a failli à sa propre règle de conduite?»

Le chef du gouvernement a rétorqué, en désespoir de cause, que l'opposition devrait au moins «attendre le budget pour déterminer l'avenir d'un gouvernement récemment élu par la population canadienne».