Le gouvernement Harper a été contraint de battre rapidement en retraite devant la colère des trois partis de l'opposition lorsqu'il a proposé en novembre d'abolir les subventions annuelles versées aux formations politiques. Mais il n'a pas dit son dernier mot.

Les conservateurs de Stephen Harper comptent revenir à la charge sur cette question controversée, mais ils attendront la prochaine campagne électorale pour le faire.

Dans une entrevue accordée au magazine Maclean's, Stephen Harper soutient qu'une grande majorité des Canadiens appuie l'idée d'abolir ces subventions aux partis politiques. Et il compte en faire un élément important du programme électoral du Parti conservateur aux prochaines élections.

«C'est une bonne politique qui est largement appuyée par les Canadiens. Nous allons l'inclure dans notre plateforme électorale aux prochaines élections. Dans l'intervalle, nous allons geler le montant de ces subventions», a affirmé M. Harper dans l'entretien qu'il a eu avec l'éditeur du magazine, Kenneth Whyte.

Le gouvernement Harper s'est attiré les foudres du Parti libéral, du NPD et du Bloc québécois quand il a proposé, dans l'énoncé économique déposé aux Communes par le ministre des Finances, Jim Flaherty, en novembre, d'abolir ces subventions à partir du 1er avril. Les conservateurs avaient justifié cette décision en affirmant que les partis politiques devaient prêcher par l'exemple en ces temps de récession. Cette mesure aurait permis au gouvernement d'économiser 27 millions de dollars par année.

Or, les trois partis de l'opposition dépendent largement de ces subventions de l'État, calculées en fonction du nombre de votes obtenus au dernier scrutin, pour assurer le financement de leurs activités politiques. La fin de ces subventions pourrait mener le Parti libéral à la faillite et faire mal au Bloc québécois au Québec.

Craignant pour leur survie, le Parti libéral, le NPD et le Bloc québécois ont décidé de former une coalition pour renverser le gouvernement minoritaire conservateur de Stephen Harper et de prendre la relève aux commandes de l'État.

Craignant à son tour pour sa propre survie aux Communes, le gouvernement conservateur a battu en retraite sur cette question deux jours après l'avoir introduite. Mais cela n'a pas calmé la grogne des partis de l'opposition et le premier ministre Harper a dû suspendre les travaux parlementaires en décembre pour éviter la tenue d'un vote sur une motion de censure qui aurait entraîné la chute de son gouvernement. Les travaux des Communes doivent reprendre le 26 janvier.

«Je trouve cela ridicule qu'en ces temps de récession économique, les partis politiques obtiennent des subventions des contribuables canadiens qui ne tiennent pas compte de leurs propres capacités de recueillir leur propre argent. C'est ridicule. Nous sommes déçus de voir qu'il n'y a aucune volonté de la part de l'opposition de s'attaquer à ce problème et d'indiquer qu'ils sont prêts à mener par l'exemple», a affirmé M. Harper dans l'entrevue diffusée jeudi sur le site internet de Maclean's.

Les subventions aux partis politiques font partie de la vaste réforme de la loi sur le financement des partis adoptée par l'ancien gouvernement libéral de Jean Chrétien en juin 2003 pour nettoyer les moeurs politiques à Ottawa. Le gouvernement Chrétien avait adopté cette réforme dans la foulée du scandale des commandites. Cette réforme, qui s'inspirait de celle adoptée par le gouvernement de René Lévesque au Québec, limitait à 5000 $ par année les dons des entreprises, des syndicats et des individus aux partis politiques. En guise de compensation financière, ils obtenaient une subvention de l'État équivalant à 1,75 $ par vote obtenu au scrutin précédent.

En arrivant au pouvoir, le gouvernement conservateur de Stephen Harper a décidé d'interdire les contributions des entreprises et des syndicats et de limiter à 1000$ les dons des individus. Cette limite a été élevée à 1100$ aujourd'hui. La subvention versée aux partis politiques s'élève quant à elle à environ 1,95 $ par vote obtenu.

De tous les partis, le Parti conservateur aurait perdu le plus d'argent - environ 10,4 millions de dollars - si le gouvernement Harper avait réussi à faire adopter l'énoncé économique. Le Parti libéral, qui a dû emprunter une bonne partie des 18 millions qu'il a dépensés durant la dernière campagne électorale, aurait encaissé une perte de 7,2 millions par année.

Pour sa part, le Bloc québécois aurait vu ses coffres amputés de 2,75 millions par année tandis que le NPD aurait été contraint de se priver de près de 5 millions. Enfin, le Parti vert, qui avait été grand gagnant de cette réforme, aurait vu quelque 1,9 million en subvention partir en fumée.