Ni Stephen Harper ni Barack Obama ne devraient amener sur le tapis le dossier d'Omar Khadr au moment de leur rencontre la semaine prochaine, si l'on en croit un responsable au bureau du premier ministre.

L'appel au rapatriement d'Omar Khadr lancé par les avocats du jeune détenu, tout comme par les députés des trois partis d'opposition à Ottawa mercredi, risque ainsi de rester lettre morte.

«J'anticipe qu'aucun des (deux chefs d'Etat) ne soulève la question», a indiqué à La Presse Canadienne Kory Teneycke, porte-parole de M. Harper.

«Il n'y a pas eu de changement dans la position américaine, il n'y a pas eu de changement dans la position canadienne. Nous répondrons aux changements de la position américaine si et quand cela se produira», a-t-il indiqué.

Selon lui, Washington n'a pas demandé à Ottawa de faire rentrer au pays cet unique citoyen d'un pays occidental toujours emprisonné à la prison de Guantanamo.

N'empêche, depuis l'assermentation de M. Obama, le nouveau locataire de la Maison-Blanche a suspendu pour 120 jours les audiences des commissions militaires et signé un décret ordonnant la fermeture de la prison de Guantanamo. Ces geste tranchent avec la position traditionnelle de son prédécesseur, George W. Bush.

Plusieurs appels

Plus tôt dans la journée, le libéral Bob Rae, le bloquiste Paul Crête et le néo-démocrate Paul Dewar avaient exhorté M. Harper d'aborder ce dossier au moment de sa rencontre avec le président, le 19 février.

Dans une conférence de presse conjointe qui rappelait l'époque de la coalition, les trois porte-parole en matière d'affaires étrangères ont également demandé au gouvernement conservateur de reconnaître le statut d'enfant-soldat du jeune Khadr, qui n'avait que 15 ans au moment de son arrestation.

Les chefs des trois partis d'opposition ont fait parvenir une lettre à MM. Harper et Obama pour les encourager à entreprendre des actions vigoureuses en faveur du rapatriement.

Pour M. Rae, il s'agit non seulement d'une question de justice, mais également de sécurité pour le Canada. Selon lui, un rapatriement permettrait à la justice canadienne d'intenter un procès à Omar Khadr et d'encadrer son retour. En revanche, s'il était simplement libéré de la prison américaine, le jeune homme, accusé d'avoir tué un soldat américain, pourrait éventuellement revenir sans contrainte, ce qui pourrait poser une menace pour le pays.

«Même d'un point de vue conservateur, c'est dans l'intérêt du Canada de s'assurer que nous ayons un retour surveillé, guidé. (...) Et c'est ce qu'ont offert les avocats de M. Khadr», a lancé M. Rae.

La veille, les avocats du détenu avaient en effet affirmé à La Presse Canadienne que leur client et sa famille étaient d'accord pour qu'un comité de transition encadre le retour du jeune Khadr. Ils ont rendu cette information officielle en conférence de presse à Toronto en fin de matinée, mercredi.

Ces avocats ont proposé un plan de retour qui comprendrait une supervision de membres de la communauté médicale, légale et religieuse. S'il était accepté par les autorités, le plan ferait en sorte qu'Omar Khadr habite dans une autre famille que la sienne, souvent pointée du doigt pour ses propos et ses agissements controversés.

«Omar Khadr n'est pas un soldat taliban que l'on doit réhabiliter. C'est un jeune homme qui s'est trouvé à la mauvaise place, au mauvais moment», a insisté l'un des avocats, Dennis Edney.

Mais si le Canada change d'idée et décide dans l'avenir de faire rentrer M. Khadr dans son pays natal, les fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères devront s'atteler à la tâche, si l'on en croit une déclaration du ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon.

Interrogé par M. Dewar en comité parlementaire, mardi, il a confié qu'aucune avenue juridique pour organiser le rapatriement du ressortissant canadien n'avait été explorée.

«Le ministre a dit en comité qu'il n'avait pas envisagé divers scénarios. C'est pourtant de la «planification de base 101» que de regarder ce qui pourrait arriver», s'est indigné M. Dewar en point de presse.

Le bloquiste Paul Crête a, de son côté, dit espérer que cette action commune des trois partis d'opposition mette fin à ce qu'il a qualifié «d'entêtement» de la part de M. Harper à l'égard du cas Khadr.