La Cour fédérale du Canada a déclaré que la décision du gouvernement Harper de cesser de faire des pressions pour commuer la peine de mort d'un Canadien détenu aux États-Unis en peine de prison à vie était illégale et inéquitable.

Dans un jugement rendu public mercredi après-midi, le juge Roger Barnes a ordonné à certains ministres fédéraux, dont le ministre de la Sécurité publique et le ministre des Affaires étrangères, de prendre toutes les mesures nécessaires pour appuyer la cause de ce Canadien auprès du gouverneur du Montana et de son entourage.

 

«La décision du gouvernement canadien de retirer son appui de longue date à M. Smith semble avoir été prise très rapidement et sans consultation large», a écrit le juge en anglais.

Cette nouvelle position avait été découverte par un journaliste du réseau CanWest, Randy Boswell, en posant des questions au ministère des Affaires étrangères. Le 1er novembre 2007, le ministre de la Sécurité publique du moment, Stockwell Day, l'avait confirmée à la Chambre des communes: «Nous ne tenterons pas d'obtenir le retour au Canada de meurtriers qui ont subi un procès dans un pays démocratique et un État de droit (notre traduction).»

Ronald Allen Smith est dans le couloir de la mort dans une prison de l'État américain du Montana depuis 25 ans. Il a été reconnu coupable en 1983 du meurtre de deux hommes près du Parc national Glacier.

Il y a quelques mois, la décision du gouvernement Harper de cesser les pressions diplomatiques pour sauver la vie de son ressortissant avait été largement critiquée. Il s'agissait d'une volte-face importante dans une politique canadienne respectée depuis des décennies.

Ce sont les avocats de Ronald Allen Smith qui ont réclamé cette ordonnance à la Cour. «C'est une grosse victoire», a lancé l'un d'eux, Lorne Waldman, un procureur de Toronto. Il n'avait pas encore parlé à son client lorsque nous l'avons joint.

Le gouvernement muet

Le gouvernement a maintenant 30 jours pour porter cette cause en appel. «Nous étudions présentement la décision et nous nous abstenons de tout autre commentaire pour le moment», a déclaré Alain Cacchione, porte-parole du ministère des Affaires étrangères.

Les avocats fédéraux plaidaient que la décision d'adopter une nouvelle politique en matière de clémence était strictement politique et n'engendrerait pas d'obligation légale, notamment en matière d'équité envers son ressortissant.

Mais le magistrat a plutôt jugé qu'aucune nouvelle politique de relations étrangères n'avait été adoptée, et que par conséquent, la décision du gouvernement de ne pas chercher à obtenir la clémence pour son ressortissant était sujet à une révision judiciaire.

«Mis à part les diverses déclarations parlementaires [...] et une variété de communiqués de presse [...], les répondants n'ont fourni aucune preuve d'une nouvelle politique canadienne sur la clémence du gouvernement canadien», a noté le juge.

Il a par ailleurs qualifié de «regrettables» les propos de certains députés et ministres concernant la cause de Ronald Allen Smith et le degré de danger qu'il représentait pour la société.

L'opposition applaudit

Les partis de l'opposition ont accueilli cette décision favorablement. «On verra d'abord s'il va changer d'idée, a dit le chef du Bloc québécois, Gille Duceppe, en parlant du gouvernement. Quand on parle d'une idéologie très étroite, c'est une preuve de plus.»

«Le gouvernement ne devrait pas être obligé d'attendre que la cour fédérale le force à faire ce qui est juste et raisonnable», a déclaré le critique libéral en matière de Justice, Dominic LeBlanc.

«J'espère que le premier ministre Harper va suivre les recommandations du juge qui a dit [...] que l'on doit protéger les droits des Canadiens de la même façon hors du Canada qu'ici», a indiqué le chef du NPD, Jack Layton.