Le gouvernement conservateur a soigneusement élaboré une nouvelle terminologie pour aborder les enjeux touchant les femmes.

Par exemple, «l'égalité des genres» est devenu «l'égalité entre les femmes et les hommes», et le «programme des garderies pour enfants» s'est transformé en «prestation universelle pour la garde d'enfants».

Le gouvernement affirme que la nouvelle terminologie décrit mieux ce qu'il tente d'accomplir. Par contre, les détracteurs croient que les termes révisés ne servent qu'à jeter de la poudre aux yeux et camoufler le peu qui a été fait dans le domaine du droit des femmes.

La directrice de l'Institut Simone de Beauvoir à l'Université Concordia à Montréal, Chantal Maille, estime que la préoccupation des conservateurs au sujet de vocabulaire démontre leur volonté à laisser leur empreinte dans les enjeux touchant les femmes. Selon elle, l'utilisation d'un langage plus neutre et moins engageant serait délibérée.

«C'est une stratégie pour montrer, en quelque sorte, qu'il y a une distance avec le programme militant des mouvements de femmes», a ajouté Mme Maille.

C'est en 2006 que le Bureau du Conseil privé a décidé qu'il ne voulait plus que les fonctionnaires emploient le terme «égalité des genres» lorsqu'ils s'entretenaient avec les médias ou avec le public. Ils devaient désormais parler «d'égalité entre les hommes et les femmes».

Des documents obtenus par la Presse Canadienne en vertu de la Loi d'accès à l'information révèlent que l'Agence canadienne de développement international (ACDI) a même été obligée, en vertu de cette nouvelle directive, de modifier la terminologie employée pour la tenue d'un événement prévu en février 2007.

Toutefois, l'expression «égalité des genres» englobe les garçons et les filles, alors que la nouvelle désignation ne les inclut pas.

«Je suppose que c'est lorsque l'on devient adulte et qu'on laisse notre enfance derrière nous que l'on se qualifie pour «l'égalité des genres'», s'est plaint un fonctionnaire de l'ACDI.

Cette année, le gouvernement a dévoilé une nouvelle loi qui accélérerait le processus des litiges concernant l'équité salariale. Mais l'expression «équité salariale» a également été modifié pour «compensation équitable».

«Nous utilisons le mot «compensation» pour refléter qu'il n'est pas seulement question d'équité salariale mais également d'équité dans tous les aspects de la compensation, comme par exemple les conditions de travail, les avantages sociaux», a expliqué un porte-parole du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, Pierre-Alain Bujold.

Des opposants de la nouvelle loi ont affirmé que celle-ci désavantageait davantage les femmes, puisque l'enjeu de l'équité salariale était désormais noyé parmi d'autres sujets à la table des négociations.

De plus, ce changement transfère le pouvoir décisionnel de la Commission canadienne des droits de la personne à la Commission des relations de travail dans la fonction publique et pénalise ainsi les syndicats qui fournissent un appui juridique aux femmes lorsqu'elles se présentent contre leurs employeurs au sein du gouvernement fédéral.

Lorsque le gouvernement a modifié, en 2006, le mandat du programme de financement de l'organisme fédéral «Condition féminine Canada» et de retirer le terme «égalité», la ministre de l'époque Bev Oda avait expliqué que le mot n'était pas nécessaire puisque l'égalité était déjà garantie pour les femmes en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés.

Mais les fonctionnaires de l'organisme ont protesté contre ce changement, affirmant qu'il y avait encore énormément de travail à effectuer pour faire avancer l'égalité des femmes.

Un an après, à la suite de vives critiques des partis d'opposition et des groupes de femmes, le mot «égalité» a retrouvé sa place dans le mandat du Programme de promotion des femmes.