La vague Twitter qui frappe le Congrès américain s'installe peu à peu dans les moeurs politiques canadiennes - avec un décalage horaire.

L'outil de socialisation sur l'internet, semblable à Facebook, fait de plus en plus parler de lui dans les médias. Il y a quelques semaines, le magazine The Economist y a consacré un article intitulé «Un engouement internet arrive au Congrès».

«Lorsque les politiciens disent qu'ils veulent parler à leurs électeurs, c'est souvent une fiction polie, écrit l'influent magazine. Mais des douzaines d'hommes et de femmes au Congrès ont découvert qu'ils pouvaient utiliser Twitter pour rester en contact.»

Lundi dernier, l'animateur et humoriste Jon Stewart a ridiculisé des politiciens américains à son émission The Daily Show pour avoir envoyé des messages durant l'adresse au Congrès du président Obama.

«La partie de basketball va commencer pour ceux qui ne veulent pas regarder Pelosi minauder pendant la prochaine heure», a écrit un sénateur républicain.

Et c'est sans parler de la vaste utilisation des nouvelles technologies faite par Barack Obama au cours des deux dernières années, et qui a été largement rapportée et discutée.

N'importe qui peut se créer un compte sur Twitter.com. Le site permet d'envoyer des messages de 140 caractères sur le web, à partir d'un ordinateur ou d'un téléphone cellulaire. Les personnes qui se sont, d'une certaine manière, «abonnées» à votre profil reçoivent alors ces mises à jour, réflexions, blagues, répliques ou réponses.

Pour les politiciens, c'est de l'or. Le site offre la possibilité de rejoindre un vaste réseau d'électeurs et de partisans en peu de temps pour créer des liens, échanger des idées ou trouver du sang neuf.

Et pourtant, au Canada, la vague Twitter ressemble plutôt à une vaguelette. Durant les dernières élections fédérales, tous les chefs de parti se sont créé un compte. Mais depuis, seul Stephen Harper - ou ses employés - continue à l'alimenter.

Pourquoi? «Au Canada, on est toujours deux ou trois ans en retard!» lance Joseph Lavoie en riant. M. Lavoie est un jeune consultant de la firme torontoise Navigator, qui, entre autres fonctions, sert de porte-parole de l'ancien premier ministre Brian Mulroney. En tant que spécialiste des nouvelles technologies, il tente de convaincre les politiciens d'adhérer au concept, mais ce n'est pas une mince tâche.

«Beaucoup d'entre eux pensent que c'est seulement un gaspillage de temps, dit-il. Pourtant, c'est une autre manière de parler aux Canadiens et aux Canadiennes.»

«Les journalistes, les politiciens et les partis politiques essaient tous de trouver la meilleure manière d'utiliser Twitter», estime pour sa part David Akin, correspondant aux affaires nationales pour le réseau CanWest.

Un bon exemple: l'initiative lancée par ce journaliste de la colline parlementaire, très actif sur Twitter, sur Facebook et sur son propre blogue. Vendredi dernier, M. Akin a commencé à envoyer des messages (des Tweets) pour chaque annonce d'investissement en infrastructures faite par le gouvernement Harper.

«L'une des questions à Ottawa en ce moment concerne ce sur quoi le gouvernement dépense de l'argent et à quelle vitesse», explique-t-il.

«Twitter est un très bon endroit pour placer ces parcelles d'information, qui ne seraient pas suffisantes pour une entrée de blogue, et certainement pas assez étoffées pour un reportage télé ou un article de journal. Mais quelqu'un quelque part pourrait trouver cette donnée utile.»

Un autre exemple: le ministre fédéral de l'Immigration, Jason Kenney, a tenté récemment l'expérience. Le résultat semble concluant : depuis quelques semaines, il publie de son BlackBerry et sous le pseudonyme minjk une demi-douzaine de messages par jour qui portent autant sur ses rencontres de fonction avec différents groupes culturels que sur ses sorties sociales ou sur des réflexions diverses.

«Je suis de service à la Chambre. Pourquoi est-ce que je pige toujours la courte paille et que je suis toujours à l'horaire du lundi matin?» a-t-il écrit lundi dernier à 8h57.

Évidemment, certains ne s'intéressent pas du tout à Twitter. Ça semble être le cas de plusieurs politiciens de Québec ou de Montréal: les Jean Charest, Pauline Marois ou Gérald Tremblay sont demeurés introuvables sur le site.

Et d'autres, comme le député libéral Denis Coderre, flairent sans doute la bonne affaire, et restent aux aguets. M. Coderre a créé son profil il y a quelques mois mais n'y a inscrit aucun message depuis la fin de janvier.

Il faut dire qu'il a quand même aujourd'hui 3000 amis sur Facebook... «Quand tu veux vraiment utiliser le web social comme capacité et façon d'aller chercher un point de vue et une réaction, c'est un outil extrêmement utile, qui est maintenant incontournable dans l'environnement politique», dit-il.