Le ministère des Travaux publics a fait fi des critiques passées en accordant un autre contrat de 19,7 millions de dollars à la firme Lockheed Martin Canada, une filiale du géant d'armement américain Lockheed Martin, pour mettre au point un programme informatique en prévision du prochain recensement de 2011.

Lockheed Martin Canada avait déjà eu un contrat de 65 millions en 2004 de Statistique Canada dans le cadre du dernier recensement, réalisé en 2006. Statistique Canada avait alors acheté des logiciels et du matériel informatique spécialisés de Lockheed Martin Canada.

 

À l'époque, de nombreuses voix s'étaient élevées au pays pour dénoncer cette décision du gouvernement d'accorder un tel contrat à Lockheed Martin.

Certains Canadiens avaient décidé de boycotter le recensement de 2006, même si la loi oblige tous les Canadiens à répondre au questionnaire de recensement tous les cinq ans sous peine d'emprisonnement ou d'amende.

D'autant plus que la maison mère de cette entreprise tombe sous le coup du USA Patriot Act, cette loi controversée adoptée par Washington dans la foulée des attentats terroristes du 11 septembre 2001 qui confère aux FBI un accès élargi aux dossiers des entreprises situées aux États-Unis. Grâce à cette loi, le FBI peut demander à un tribunal américain d'obliger une compagnie à divulguer ses dossiers - y compris des informations sur des Canadiens - pour l'aider dans ses enquêtes visant à prévenir le terrorisme ou l'espionnage.

Selon des documents obtenus par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, le ministère des Travaux publics a jeté à nouveau son dévolu sur Lockheed Martin en juillet 2008 en lui accordant un deuxième contrat relié au prochain recensement.

«Ce contrat a été accordé à la suite d'un appel d'offres en vertu des accords commerciaux internationaux. Le ministère des Travaux publics a incorporé des clauses dans le contrat afin de protéger la sécurité et la confidentialité des informations fournis par les répondants. Seuls les employés de Statistique Canada auront accès aux questionnaires remplis du recensement», peut-on lire dans les documents datés du 15 septembre 2008. La Presse a tenté au cours des derniers jours d'obtenir des précisions au sujet de ces clauses en question, mais le ministère des Travaux publics n'avait toujours pas donné suite à nos appels hier.

Le NPD avait dénoncé en premier en 2004 le fait que le gouvernement fédéral avait décidé d'octroyer un contrat à Lockheed Martin Canada. Informé qu'un autre contrat avait été octroyé à la même firme, le député néo-démocrate de Winnipeg-Centre, Pat Martin, avait du mal à cacher sa colère.

«Nous étions furieux il y a deux ans. Je ne peux pas croire qu'on ait fait fi des critiques des gens dans le passé. Tout cela est inquiétant. Je suis convaincu que les Canadiens ne sont toujours pas à l'aise de voir une société internationale qui se spécialise dans l'armement travailler sur le prochain recensement», a affirmé M. Martin.

Le député a soutenu que le gouvernement devrait mettre fin à ce contrat, même s'il doit payer des dommages à l'entreprise. «Si les données du recensement se retrouvent entre les mains d'un marchand d'armes international, on ne fera pas croire que c'est totalement sécuritaire», a dit M. Martin.

Durant la dernière controverse entourant l'octroi du premier contrat à Lockheed Martin Canada, le statisticien en chef de Statistique Canada, Ivan P. Fellegi, avait été contraint de faire une mise au point dans les journaux.

«Le contrat de Lockheed Martin Canada, limité à l'achat de logiciels et de matériel informatique spécialisés, représente environ 4,5% du coût du recensement. Je tiens à préciser que Lockheed Martin Canada ne mènera pas des opérations liées au recensement du Canada et qu'aucune donnée confidentielle ne quittera le Canada. Les Canadiens ne devraient avoir aucune inquiétude au sujet de la confidentialité de leurs réponses au recensement», avait écrit M. Fellegi en mai 2004.

Dans la foulée de l'adoption du USA Patriot Act, la commissaire à la protection de la vie privée, Jennifer Stoddart, avait exprimé ses craintes concernant la transmission d'informations sur des citoyens canadiens au gouvernement américain par des entreprises américaines.

Le gouvernement avait répondu à ces craintes en promettant de reformuler les prochains contrats fédéraux afin de contrer les dispositions des lois américaines contre le terrorisme qui permettent aux autorités américaines d'avoir accès à des informations personnelles sur des Canadiens.

Avec la collaboration de William Leclerc