Lors de sa visite aux États-Unis l'an dernier, le pape s'est dit honteux des actes pédophiles commis par des prêtres catholiques. En Australie, il a offert des excuses officielles pour le même genre de sévices. Le 29 avril, Benoît XVI remettra ça. Cette fois, c'est aux Amérindiens du Canada qu'il compte exprimer ses regrets.

Les agressions physiques et sexuelles pour lesquelles le pape fera le mea-culpa de l'Église catholique se sont produites dans les pensionnats indiens, auxquels des dizaines de milliers d'enfants autochtones ont été confinés de force par les autorités canadiennes entre 1920 et 1996. Près de 75% de ces établissements étaient administrés par des communautés religieuses catholiques.

 

«Nous attendons du pape un énoncé clair reconnaissant les souffrances subies par les autochtones du Canada et le rôle de l'Église catholique dans ces souffrances, a dit hier à La Presse le chef national de l'Assemblée des premières nations, Phil Fontaine. Nous considérons que ce sera un moment historique pour les autochtones, les survivants des pensionnats et la société canadienne.»

Ayant lui-même subi des mauvais traitements dans deux pensionnats catholiques, M. Fontaine sera à la tête de la délégation autochtone qui se rendra au Vatican à la fin du mois pour une audience privée avec le pape. À la fin de cette rencontre, à laquelle participeront aussi des évêques canadiens, le pape rendra public un énoncé. «La relation entre les Premières Nations du Canada et l'Église catholique a été entachée par les gestes du passé. Cette rencontre avec le pape permettra d'entreprendre le processus de réconciliation», estime Phil Fontaine.

Portant la cause des pensionnats indiens sur ses épaules depuis plus de 20 ans, le leader autochtone voit dans cette convocation au Vatican la fin d'un long processus. L'an dernier, en juin, le gouvernement canadien a présenté ses excuses officielles pour les torts que les pensionnats et les politiques d'assimilation ont causés au sein des communautés autochtones. Il s'est aussi engagé à verser entre 2 et 6 milliards de dollars en réparations collectives et individuelles aux victimes de sévices divers.

Trois autres Églises impliquées dans le scandale - les Églises unie, anglicane et presbytérienne - se sont déjà excusées publiquement en plus de contribuer financièrement au fonds de compensation. Les communautés catholiques ont participé à la cagnotte, mais sans demander pardon.

Jeu de coulisses

Selon Phil Fontaine, l'archevêque de Winnipeg James Weisgerber est à l'origine de la convocation papale. Au nom de la Conférence canadienne des évêques du Canada, il a soulevé la question des pensionnats indiens auprès du souverain pontife en novembre dernier. Quelques semaines plus tôt, il avait invité le chef national de l'Assemblée des premières nations à s'adresser aux évêques canadiens, lors de leur grande rencontre annuelle. M. Fontaine avait accepté l'invitation, créant un précédent historique.

Pour le moment, on ignore si le pape offrira des excuses officielles, comme il l'a fait en Australie en juillet dernier. «Nous savons que le pape va remettre un texte dans lequel il exprimera sa sollicitude, reconnaîtra ce qui s'est passé et manifestera des regrets», notait hier Gérald Baril, directeur des communications de la Conférence des évêques.

Reporter au National Catholic Reporter, le journaliste John Allen, expert des affaires du Vatican, ne doute pas une seconde que Benoît XVI sera très explicite dans le message qu'il remettra aux représentants autochtones. «En Australie, le pape a utilisé les mots magiques «je suis désolé», pour la première fois. Il est tout à fait crédible de penser qu'il le fera à nouveau.»

La rencontre privée de la délégation canadienne avec Benoît XVI aura lieu juste après l'audience générale du mercredi matin à laquelle près de 10 000 personnes prennent part.

Cette annonce survient alors que le Vatican est vertement critiqué pour plusieurs positions défendues au cours des dernières semaines. Le pape a notamment soulevé l'ire de la communauté internationale en affirmant au début d'un voyage en Afrique que le condom contribue à l'épidémie du sida plus qu'il ne l'enraye.

Phil Fontaine affirme qu'il n'a aucune intention de soulever l'épineuse question avec le chef de l'Église catholique. «La question dont nous parlerons avec lui nous préoccupe depuis des années. Nous sommes très reconnaissants de l'occasion qui nous est offerte», précise-t-il.

 

La toute petite histoire des excuses papales

Pendant près de deux millénaires, l'Église catholique a refusé de présenter des excuses à qui que ce soit. Jean-Paul II a été le premier à tourner le dos à cette tradition d'impunité. Pendant son règne, il a offert des excuses plus de 100 fois: aux juifs, aux orthodoxes chrétiens, aux femmes. Cependant, il n'avait jamais reconnu les torts de l'Église dans les questions d'agressions sexuelles. Il a confié l'étude de ce dossier au cardinal allemand Joseph Ratzinger. Devenu pape, ce dernier a mis quelques mois à peine avant de prendre position sur les scandales d'agressions sexuelles qui minaient l'image de l'Église catholique.