Alors qu'il était ministre du Développement économique, Jean-Pierre Blackburn, n'avait jamais cessé d'avoir recours à des vols nolisés, dont plusieurs reliant la capitale fédérale et sa circonscription, en dépit des remous créés l'an dernier par des reportages sur ses habitudes de voyage et son manque de transparence.

Au cours des deux derniers trimestres de son mandat à l'agence de Développement économique du Canada pour le Québec (DEC), M. Blackburn a fait appel aux services de compagnies aériennes, louant des avions d'affaires à 11 reprises. Son secrétaire parlementaire, Jacques Gourde, a quant à lui pris des vols nolisés deux fois dans le cadre de ses fonctions.Au total, ces déplacements ont coûté quelque 73 613 $ aux contribuables au cours des six derniers mois de son mandat à l'agence, entre mars et septembre 2008.

Quelque 40 pour cent de ces frais sont attribuables à trois tournées du Québec, dont l'une qui a mené le ministre en Gaspésie, aux Iles-de-la-Madeleine et sur la Basse Côte-Nord au cours de l'été dernier.

Or, ces frais importants ne sont divulgués ni dans les rapports de dépenses du ministre - publiés sur Internet - ni dans ceux de son personnel, ce qui donne l'impression que M. Blackburn et son équipe étaient particulièrement économes.

Comme le souligne l'attachée de presse du ministre maintenant responsable du Revenu, Nathalie Boileau, les locations d'appareils figurent dans une autre section du site Internet du ministère, consacrée à la divulgation des contrats de plus de 10 000 $. Toutefois, ni la destination, ni le nom des passagers des vols n'y sont précisés.

L'entourage de Jean-Pierre Blackburn affirme que cette manière de faire respecte les règles et que toutes les dépenses ont été comptabilisées et dévoilées adéquatement.

N'empêche que pour obtenir un portrait clair de la situation, il a encore une fois fallu croiser les données sur les déplacements de MM. Blackburn et Gourde, affichées dans le site web du gouvernement, avec des documents sur les vols nolisés obtenus par le Nouveau Parti démocratique (NPD) en vertu de la loi d'accès à l'information.

Il avait fallu avoir recours au même stratagème pour découvrir que Jean-Pierre Blackburn avait facturé aux contribuables plus de 150 000 $ en vols nolisés en 2006 seulement.

La Presse Canadienne avait par la suite révélé que le ministre profitait régulièrement des avions privés pour relier la capitale fédérale à sa circonscription de Jonquière-Alma, plutôt que d'utiliser des vols commerciaux comme le font habituellement les députés.

Le NPD, qui a découvert le pot-aux-roses, répète qu'il ne s'oppose pas à ce que les élus voyagent quand leur travail le requiert. Le parti de Jack Layton estime cependant que les membres du conseil des ministres devraient être particulièrement consciencieux quand vient le temps de dévoiler leurs dépenses.

«Nous voulons savoir comment les responsables gouvernementaux dépensent notre argent, l'argent des contribuables, a insisté le porte-parole de la formation en matière d'éthique, Bill Siksay. Nous voulons nous assurer qu'ils le font de manière responsable, qu'ils ne font pas d'extravagances, que leurs dépenses sont appropriées et qu'elles sont liées à leur travail pour le peuple Canadien.»

M. Siksay rappelle que le premier ministre Stephen Harper avait fait de la transparence l'un de ses chevaux de bataille, à l'époque où il était dans l'opposition.

«Je trouve cela incroyable que M. Blackburn ait gardé les mêmes habitudes, après avoir vu ses dépenses étalées au grand jour à plus d'une reprise. Et je trouve cela encore plus incroyable que le premier ministre ne s'en soit pas mêlé et ne l'ait pas forcé à respecter les règles», a martelé M. Siksay, qui représente la circonscription de Burnaby, en Colombie-Britannique.