Après l'homme d'affaires germano-canadien Karlheinz Schreiber, c'est au tour de l'ancien premier ministre Brian Mulroney de comparaître devant le juge Jeffrey Oliphant, mardi, pour un témoignage très attendu.

L'ancien premier ministre doit donner sa version des faits à la commission chargée de faire la lumière sur la teneur de ses transactions financières et commerciales avec M. Schreiber dans les années 1990.

Pour la première journée de son témoignage, M. Mulroney sera d'abord interrogé par son propre avocat, Guy Pratte.

Puis, dans les jours subséquents, il devra faire face aux questions du procureur principal de l'enquête, Richard Wolson, qui s'est acquis, depuis le début des audiences, la réputation de mener des interrogatoires très serrés.

Ces trois à quatre jours de comparution permettront aux avocats d'entrer davantage dans les détails de la relation entre M. Schreiber et M. Mulroney que lorsque l'ancien premier ministre avait témoigné, durant seulement quatre heures, devant le comité parlementaire de l'éthique, en 2007.

L'ex-politicien conservateur aurait touché un montant se situant entre 225 000 $ et 300 000 $, selon les versions, offert en liquide par M. Schreiber entre le 27 août 1993 et le 8 décembre 1994. M. Mulroney aurait placé les liasses de coupures de 1000 $ dans un coffre fort personnel ainsi que dans un compte bancaire à New York et n'aurait déclaré ces sommes à l'impôt que des années plus tard.

Brian Mulroney a toujours prétendu que cet argent lui avait été versé pour qu'il fasse la promotion à l'étranger de véhicules blindés légers de la compagnie allemande Thyssen, et que rien dans ses agissements n'était illégal.

M. Schreiber affirme pour sa part avoir engagé M. Mulroney pour que l'ancien premier ministre fasse des représentations pour cette compagnie auprès d'hommes politiques canadiens dans le but de construire une usine de ces véhicules blindés légers au Cap Breton, en Nouvelle-Ecosse. Ce projet, connu sous le nom de Bear Head, n'aura finalement jamais vu le jour.

Au cours de ses nombreuses heures de comparution, M. Mulroney devra nécessairement répondre à des questions sur le montant et les raisons exactes du versement de ces sommes, tout comme sur le moment précis où il a accepté de conclure un accord avec M. Schreiber.

Selon les allégations de ce dernier, les pourparlers pour la conclusion d'un accord auraient été entamés avant même que M. Mulroney ne quitte ses fonctions de chef de gouvernement et soit éventuellement remplacé par Kim Campbell au poste de premier ministre.

L'ancien politicien devra par ailleurs expliquer pourquoi il a accepté d'être payé en argent comptant par l'homme d'affaires, qui fait désormais face à des chefs d'accusation de fraude, d'évasion fiscale et de corruption en Allemagne.

M. Mulroney a déjà admis regretter avoir accepté de telles sommes en argent liquide.

«Quand j'y repense aujourd'hui, je me rends compte que c'était une grave erreur de jugement que d'accepter un paiement en argent comptant pour ce travail, même s'il n'y avait absolument rien d'illégal. Cette erreur de jugement est la mienne, je m'en excuse et assume l'entière responsabilité», avait-il déclaré le 13 décembre 2007, devant le comité parlementaire de l'éthique.

Il s'était également alors défendu que cet argent ait quoique ce soit à voir avec l'obtention, en 1988, d'un contrat d'Airbus d'une valeur de 1,8 milliard $ pour Air Canada, alors société de la Couronne.

Les jours qui viennent risquent de ne pas être de tout repos pour l'ancien chef conservateur, et il le sait, a confié Robin Sears, porte-parole de M. Mulroney. Il a souligné que M. Mulroney ne prenait pas la chose à la légère et s'était bien préparé pour son témoignage.