Stephen Harper invite les Québécois à la plus grande prudence avant de sauter dans le train libéral de Michael Ignatieff.

Car Michael Ignatieff est le leader le plus centralisateur ayant jamais pris les commandes du Parti libéral de toute son histoire, a affirmé hier soir le premier ministre dans un discours à forte saveur électorale devant quelque 2000 militants conservateurs réunis au prestigieux hôtel Le Reine-Elizabeth.Alors que les libéraux ont pris la tête dans les sondages depuis que Michael Ignatieff est à la barre du parti, Stephen Harper a soutenu que les écrits du chef libéral font de lui un élève exemplaire de Pierre Trudeau quand il s'agit des pouvoirs que doit posséder le gouvernement fédéral.

«M. Ignatieff est dans la lignée de Pierre Trudeau. Il dit lui-même que Trudeau est son mentor. Je vous invite à lire ce qu'il a dit et ce qu'il a écrit au cours des dernières décennies. Vous verrez que M. Ignatieff est en fait le chef libéral le plus centralisateur de l'histoire de notre pays», a affirmé M. Harper dans son discours d'une trentaine de minutes.

«Mes amis, souvenez-vous toujours qu'il y a un parti centralisateur, le Parti libéral. Il y a un parti des indépendantistes, le Bloc. Mais il y a un seul parti qui a cru dans le passé et qui croit toujours aujourd'hui en une nation québécoise forte au sein d'un Canada uni et c'est le Parti conservateur», a-t-il ajouté.

Le premier ministre a aussi souligné que le seul plan que propose son adversaire libéral pour combattre la récession mondiale est d'augmenter les taxes et les impôts pour mieux financer «des dépenses extravagantes et permanentes» du gouvernement fédéral, la plupart du temps dans des champs de compétence des provinces. «Ce serait une erreur d'une proportion historique», a-t-il lancé à ses militants.

Selon M. Harper, les libéraux n'hésiteront pas à ramener la TPS, présentement à 5%, à 7%, et à imposer une taxe sur le carbone s'ils prennent le pouvoir aux prochaines élections, deux mesures qui auraient des effets catastrophiques, selon lui, sur l'économie canadienne.

«Une des raisons pour lesquelles le chef libéral veut augmenter vos impôts, c'est parce qu'il veut que le fédéral ait plus d'argent pour pratiquer un fédéralisme centralisateur», a affirmé le premier ministre.

M. Harper a prononcé ce discours à Montréal, où les conservateurs n'ont pas réussi à faire élire de députés depuis 1988, alors que son parti a vu ses appuis diminuer de manière marquée dans les sondages depuis les dernières élections. Le dernier sondage CROP-La Presse accorde en effet 37% des appuis aux libéraux de Michael Ignatieff au Québec contre 31% au Bloc québécois, 15% au Parti conservateur et 12% au NPD. Au dernier scrutin, le Parti conservateur a obtenu 22% des suffrages dans la province tandis que le Bloc québécois a recueilli 38% et le Parti libéral, 23,5%.

M. Harper a non seulement profité de son discours pour attaquer la crédibilité de Michael Ignatieff et mettre en doute de nouveau l'utilité du Bloc québécois, mais il a aussi tenté de démontrer que son parti n'a pas fait une croix sur le Québec, malgré les mauvais sondages.

«C'est le plus grand rassemblement au Québec depuis qu'on a formé le nouveau Parti conservateur. J'espère qu'il y a beaucoup de journalistes dans la salle. Ils ne pourront plus jamais dire que j'ai fait une croix sur le Québec», a lancé d'emblée Stephen Harper. Les stratèges conservateurs ont d'ailleurs choisi un thème pour cette soirée afin de marteler ce message: «On s'enracine au Québec».

Durant son discours, Stephen Harper a aussi voulu faire taire les rumeurs persistantes rapportées dans certains médias anglophones selon lesquelles il pourrait tirer sa révérence avant les prochaines élections afin d'éviter une défaite aux urnes.

Dans une envolée qui ne laissait aucun doute sur ses intentions, le premier ministre a affirmé, en rappelant qu'il venait de célébrer son 50e anniversaire de naissance: «Je suis en très grande forme malgré la cinquantaine. Et je peux vous dire que les bloquistes et les libéraux vont s'en rendre compte lors de la prochaine campagne électorale.»

S'il a réservé la majorité de ses attaques à Michael Ignatieff, hier soir, Stephen Harper n'a pas épargné le Bloc québécois pour autant. Il a critiqué les troupes de Gilles Duceppe d'avoir voté contre toutes les mesures prises par son gouvernement minoritaire pour relancer l'économie. Mais sa plus grande charge a porté sur la lutte contre la criminalité. Stephen Harper a fustigé le Bloc d'avoir voté contre un projet de loi visant à imposer des peines plus sévères aux criminels impliqués dans le trafic des enfants. «Le Bloc a confirmé encore qu'il a plus de considérations pour les agresseurs que pour les victimes. Nous sommes le seul parti à la Chambre des communes qui s'attaque au crime et qui défend les victimes», a-t-il affirmé sous les applaudissements de ses militants.

À la toute fin de son discours, Stephen Harper est revenu à sa politique de la main tendue vers le Québec qui a permis à son parti de remporter 10 sièges aux élections de 2006 et au scrutin de 2008 dans la province.

«Vous pouvez compter sur moi pour déployer tous les efforts nécessaires pour que notre parti soit toujours l'instrument par lequel les Québécois et les Québécoises pourront affirmer massivement leur fierté dans leur passé et leur confiance dans l'avenir», a-t-il affirmé.

«Aujourd'hui, comme premier ministre du Canada et chef du Parti conservateur, je vous invite à renouveler votre engagement en faveur d'un Québec fort, prospère et autonome au sein de la fédération canadienne», a-t-il ajouté sur un ton plus contrit, conscient que son parti avait commis des erreurs au Québec lors de la dernière campagne.

Le hasard a voulu que M. Harper prononce son discours à Montréal le jour même où l'ancien premier ministre Brian Mulroney terminait à Ottawa son témoignage éprouvant devant la commission Oliphant chargée de faire la lumière sur ses liens d'affaires avec Karlheinz Schreiber. Cette commission a été créée par M. Harper et a provoqué des tiraillements au sein des conservateurs au Québec.