La crise économique provoque une chute des revenus à Ottawa à un point tel que le déficit du gouvernement fédéral dépassera les 50 milliards de dollars durant le seul exercice 2009-2010.

Ce déficit sera, et de loin, le plus important dans l'histoire du pays, surpassant le déficit de 39,5 milliards de dollars enregistré au cours de l'exercice financier 1992-1993 quand les conservateurs de Brian Mulroney étaient au pouvoir.

 

Il sera aussi 16 milliards de plus que ce qui avait été prévu dans le dernier budget, adopté il y a à peine trois mois.

Le ministre des Finances, Jim Flaherty, avait prévenu les Canadiens lundi, à l'issue d'une rencontre au sommet avec ses homologues des provinces à Chelsea, en Outaouais, que le déficit serait nettement plus important en 2009-2010 que les 34 milliards qu'il avait prévus dans son dernier budget déposé en janvier.

Mais le grand argentier du pays avait refusé de chiffrer le nouveau boulet financier, affirmant qu'il comptait détailler le manque à gagner à l'occasion d'une mise à jour économique qu'il doit faire à la Chambre des communes d'ici à la fin du mois de juin.

Hier, M. Flaherty a mis fin au suspense. «Nous allons afficher un déficit à court terme nettement plus élevé cette année. J'estime que le déficit dépassera les 50 milliards de dollars. Nous traversons un ralentissement économique plus profond que ce que nous avions anticipé», a affirmé hier le ministre Flaherty à l'issue de la période quotidienne des questions.

M. Flaherty a refusé de dire si le déficit prévu pour l'an prochain - 30 milliards - sera plus important aussi. Toutefois, il a affirmé qu'il prévoit toujours un retour au budget équilibré d'ici 2013.

Mais selon des informations obtenues par La Presse hier, les fonctionnaires du ministère des Finances n'écartent pas l'idée que le déficit grimpe jusqu'à 55 ou même 60 milliards de dollars une fois que le présent exercice financier aura pris fin, le 31 mars 2010.

Le gouvernement Harper se voit contraint de revoir à la hausse le déficit en raison de la chute marquée des impôts et taxes payés par les particuliers et les entreprises et la hausse des coûts des programmes sociaux, notamment les coûts du programme de l'assurance emploi.

Fait à noter, les entreprises et les particuliers peuvent revenir trois ans en arrière pour réclamer une révision des impôts payés sur les gains en capitaux. L'année 2008 a été marquée par la chute brutale des revenus des entreprises et le ministère du Revenu a été inondé de demandes de révision. Résultat: le gouvernement fédéral est obligé de signer de nombreux chèques de remboursement en 2009, selon nos informations.

En outre, l'aide gouvernementale à l'industrie automobile, de plus de 2,6 milliards de dollars, sera imputée au budget de cette année, augmentant ainsi le déficit.

»Un chiffre très choquant»

Le critique libéral en matière de finances, John McCallum, s'est dit sidéré d'apprendre les nouvelles projections du ministre Flaherty.

«C'est un chiffre très choquant. Je suis surpris de voir que ce soit si élevé que cela. J'aimerais voir les détails, mais c'est presque 50% plus élevé que ce qu'il avait prévu. C'est un chiffre assez alarmant. Tout cela veut dire que la situation est bien pire que ce qu'on avait prévu», a affirmé M. McCallum.

L'ancien économiste en chef de la Banque Royale a affirmé que le gouvernement fédéral devrait prendre des mesures «sévères» un jour pour venir à bout de ce boulet financier.

Le critique du NPD aux finances, Thomas Mulcair, a pour sa part affirmé que les conservateurs n'ont plus de crédibilité en matière de gestion des affaires de l'État.

«Les conservateurs sont en train de battre tous les records de médiocrité économique. Ils sont en train de faire les pires déficits dans l'histoire du Canada, même pires que ceux de Brian Mulroney, ce qui n'est pas peu dire», a dit M. Mulcair.

Avant que M. Flaherty ne largue cette bombe devant les journalistes, le premier ministre Stephen Harper avait affirmé à la Chambre des communes que le gouvernement fédéral pouvait se permettre ce genre de déficits.

«Nous pouvons nous permettre ce genre de déficits d'autant plus qu'ils seront de courte durée», a dit M. Harper, soulignant que les déficits des autres pays du G7, en particulier aux États-Unis, sont encore plus imposants en proportion de leur produit intérieur brut (PIB).

Au Canada, la dette du gouvernement fédéral ne représente que 29% du PIB, le taux le plus bas des pays du G7. L'Allemagne arrive au deuxième rang avec 58%. Par comparaison, la dette des États-Unis représente près de 70% de son PIB.

Dans son dernier budget, le ministre Flaherty prévoyait un déficit de 34 milliards de dollars en 2009-2010 et de 30 milliards en 2010-2011. Il prévoyait un déficit cumulatif de 80 milliards entre 2008-2009 et 2012-2013 avant le retour à l'équilibre budgétaire.

Or, la semaine dernière, le Fonds monétaire international (FMI) prévoyait que le déficit cumulatif s'élèverait à 120 milliards au cours des cinq prochains exercices financiers. Le FMI consulte abondamment les fonctionnaires du ministère canadien des Finances avant de faire ses projections pour le Canada. Chose certaine, un déficit cumulatif de cette importance fera bondir la dette accumulée du gouvernement fédéral à 577 milliards, un sommet inégalé. Ce faisant, Ottawa se verra contraint d'effacer tous les efforts consentis pour rembourser la dette accumulée entre 1997 et 2008. Durant cette période, le gouvernement fédéral a remboursé l'équivalent de 105 milliards de la dette accumulée.

dossier sur les finances des autres pays du g7 EN PAGES 2 ET 3 DE LA PRESSE AFFAIRES