Le déficit record de 50 milliards de dollars qu'affichera le gouvernement fédéral en 2009-2010 force déjà les principaux partis politiques à éliminer les projets coûteux de leurs promesses électorales.

Depuis plusieurs semaines, le Parti conservateur, le Parti libéral, le NPD et le Bloc québécois planchent sur leurs programmes électoraux en prévision d'un scrutin qui pourrait survenir à l'automne.

Mais les stratèges de ces partis reconnaissent maintenant qu'ils devront être moins ambitieux dans leurs engagements étant donné que le gouvernement fédéral est retombé dans l'ornière des déficits après plus d'une décennie de plantureux surplus.

Ils affirment qu'un parti qui promet des programmes coûteux ne sera tout simplement pas pris au sérieux durant une campagne électorale qui sera certainement dominée par deux sujets: les mesures à prendre pour relancer l'économie et les moyens à adopter pour éliminer le déficit.

Au cours des dernières semaines, le chef libéral Michael Ignatieff a affirmé qu'un gouvernement libéral investirait dans la création d'un programme national de garderies, tenterait de ressusciter l'accord de Kelowna (qui prévoit 5 milliards de dollars pour combattre la pauvreté chez les autochtones) et investirait dans la construction d'un train à grand vitesse entre Québec et Windsor, entre autres choses. Mais, à la lumière des sombres projections financières de cette semaine, les libéraux devront faire des choix.

«Il faudra être moins gourmands», a convenu le député libéral John McCallum, critique en matière de finances. «Peut-être pas le NPD ou le Bloc québécois, parce qu'ils savent qu'ils ne formeront jamais le gouvernement, mais si nous devenons le gouvernement, le déficit deviendra notre problème et donc, oui, il faut être responsable», a-t-il ajouté.

Déficit revu à la hausse

Le ministre des Finances, Jim Flaherty, a largué une bombe cette semaine à Ottawa en affirmant que le déficit de 2009-2010 dépassera les 50 milliards de dollars. Dans son dernier budget, présenté en janvier et adopté en mars, le grand argentier du pays prévoyait un déficit de 34 milliards de dollars.

Même s'il a revu le déficit à la hausse, M. Flaherty a affirmé qu'il prévoyait toujours l'éliminer d'ici quatre ans sans augmenter les taxes et les impôts. Il table sur la croissance des revenus découlant de la reprise économique attendue l'an prochain.

Hier, le ministère des Finances a annoncé que l'exercice 2008-2009, qui a pris fin le 31 mars, s'était soldé par un déficit de 2,2 milliards de dollars, soit le double de ce que prévoyait le budget. À titre de comparaison, Ottawa avait un excédent de 9,6 milliards de dollars en 2007-2008. Il s'agissait alors du 11e surplus de suite.

M. McCallum a affirmé que les partis politiques auront à débattre d'une question qui n'était même pas un enjeu au dernier scrutin, tenu il y a à peine huit mois: comment éliminer le déficit sans sabrer dans les programmes ou majorer de façon importante les taxes et les impôts.

«La dernière fois, il n'y avait pas de déficit et on ne savait pas qu'il y en aurait un. On doit avoir un plan responsable. On doit être très conscient du déficit quand on fait les promesses. Quand il y aura des élections, nous serons responsables parce que nous sommes bien conscients que, si nous formons le gouvernement, c'est nous qui devrons régler ce problème», a dit M. McCallum.

Assurance emploi

Il a toutefois ajouté que les libéraux tiennent mordicus à uniformiser les critères d'admissibilité au programme d'assurance emploi au pays. L'un de ces critères ferait en sorte qu'une personne devrait travailler 360 heures pour avoir droit à des prestations. À l'heure actuelle, le nombre d'heures requis varie de 420 à 900 heures, selon la région. Cette mesure, que les libéraux souhaitent temporaire, coûterait environ 1,5 milliard de dollars par année.

Karl Bélanger, un stratège du NPD, a pour sa part affirmé que le déficit prévu cette année contraint tous les partis à faire preuve de réalisme. «Il faut revoir nos chiffres parce que ceux du gouvernement étaient erronés. Mais c'est un exercice auquel on est habitués. Les libéraux avaient l'habitude de cacher les surplus. Maintenant, on a un parti qui cache les déficits», a affirmé le proche collaborateur de Jack Layton.

M. Bélanger a ajouté que le Parti conservateur et le Parti libéral avant lui ont réduit la capacité fiscale d'Ottawa en diminuant les impôts des grandes entreprises. «Des réductions d'impôts, c'est bien quand l'économie va bien, mais quand il y a une crise qui frappe comme c'est le cas, on tombe en déficit», a-t-il souligné.