La grande séduction entreprise par Michael Ignatieff auprès des électeurs d'un bout à l'autre du pays depuis quelques mois continue de rapporter des dividendes aux libéraux.

Le Parti libéral a en effet réussi à augmenter l'avance qu'il détient sur le Parti conservateur dans les intentions de vote, démontre le dernier sondage exclusif réalisé par la firme Nanos pour le compte de La Presse et du Toronto Star.

Si des élections fédérales avaient lieu aujourd'hui, les troupes de Michael Ignatieff récolteraient 37,2% des appuis contre 31,8% aux conservateurs de Stephen Harper. Le NPD recueillerait 15,7% des votes tandis que le Parti vert devrait se contenter de 7,4%.

Ce faisant, le Parti libéral récolte, à l'échelle nationale, un point de pourcentage de plus dans les intentions de vote qu'en avril, la dernière fois que Nanos a pris le pouls de l'électorat canadien. Le Parti conservateur, au pouvoir depuis février 2006, a vu ses appuis diminuer de moins d'un point de pourcentage (0,7).

Résultat: le Parti libéral pourrait former un gouvernement minoritaire s'il maintenait de tels appuis jusqu'au jour des élections. Mais une majorité serait difficile à obtenir compte tenu de la faiblesse des appuis des libéraux dans les quatre provinces de l'Ouest.

Au Québec, l'appui aux libéraux atteint maintenant 38%. Ils devancent ainsi le Bloc québécois, qui récolte 35% dans ce dernier coup de sonde. Le Parti conservateur doit se contenter d'un maigre 12%, soit un point de pourcentage de moins que le NPD qui recueille 13%.

Ces chiffres expliquent d'ailleurs le changement de stratégie des bloquistes qui multiplient les attaques contre Michael Ignatieff depuis quelques semaines. Toutefois, il faut souligner que tout près d'un électeur sur cinq est indécis au Québec (18%), le taux le plus élevé au pays.

Ces résultats constituent certes de bonnes nouvelles pour les libéraux, mais le président de la firme Nanos, Nik Nanos, note que les conservateurs demeurent dans la course en dépit de la grave crise économique que traverse le pays. En temps normal, le parti au pouvoir subit les pires foudres des électeurs durant une récession. À titre d'exemple, les gouvernements au pouvoir durant les récessions de 1980 et 1991 ont été mis à la porte par les électeurs dès la première occasion.

«Compte tenu du marasme économique actuel, les conservateurs ont, en général, réussi à maintenir leurs appuis. Il n'est pas réaliste d'espérer, pour un gouvernement, voir ses appuis augmenter durant une crise économique. Mais les appuis au Parti conservateur demeurent solides dans les provinces de l'Ouest, et les conservateurs sont encore dans la course en Ontario. La plus grande chute des appuis aux conservateurs est survenue au Québec», affirme Nik Nanos.

Le sondeur ajoute que certaines nuances doivent être soulignées au sujet de la donne politique au Québec. «Même si les résultats sont mauvais pour les conservateurs au Québec, il faut être prudent parce que la situation est beaucoup plus volatile dans cette province qu'ailleurs au pays», soutient-il.

Nik Nanos dit juger étonnant que le NPD n'ait pas réussi à s'imposer davantage jusqu'ici étant donné l'ampleur de la crise économique, une période durant laquelle les Canadiens exigent davantage d'interventions du gouvernement pour soutenir les travailleurs et les entreprises en difficulté, une philosophie chère au NPD.

Les libéraux se maintiennent donc en tête dans les sondages réalisés par la firme Nanos depuis mars. Emporté par ce changement d'humeur de l'électorat canadien, le chef libéral Michael Ignatieff a brandi à plusieurs reprises la menace de provoquer la chute du gouvernement minoritaire conservateur de Stephen Harper à la Chambre des communes afin de forcer la tenue d'élections générales. S'il met sa menace à exécution, il s'agirait du quatrième scrutin fédéral en cinq ans et des dépenses de quelque 300 millions de dollars.

M. Ignatieff a évoqué le refus du gouvernement Harper d'améliorer les conditions d'admissibilité au programme d'assurance emploi comme prétexte pour le renverser. Les libéraux réclament un seuil unique de 360 heures travaillées pour qu'une personne touche des prestations au pays. À l'heure actuelle, ce seuil varie de 420 heures à 900 heures, selon la région économique.

Mais le chef libéral fait fausse route s'il croit plaire aux Canadiens en provoquant des élections sur cette question, selon le sondage réalisé par Nanos. En effet, 60% des personnes interrogées affirment que cela n'est pas un dossier assez important pour justifier un autre scrutin. Seulement 31% des répondants donnent leur bénédiction aux libéraux s'ils décident d'aller de l'avant avec des élections sur cette question.

Ce sondage a été réalisé du 26 mai au 1er juin auprès de 879 Canadiens. La marge d'erreur de ce sondage est de plus ou moins 3,3%, 19 fois sur 20. La marge d'erreur est plus élevée (plus ou moins 7%) dans le cas des résultats régionaux au Québec. La firme Nanos est celle qui avait prédit avec le plus de précision les résultats des élections fédérales de 2004, 2006 et 2008.