Une nouvelle exigence canadienne, qui obligera dès jeudi tous les ressortissants mexicains et tchèques à se munir de visas pour entrer au pays, a suscité une levée de boucliers dans les deux pays visés et semé l'émoi dans l'industrie touristique.

Piqué à vif par la décision d'Ottawa rendue publique lundi, le gouvernement tchèque a rétorqué mardi matin en annonçant que les détenteurs de passeports diplomatiques canadiens devront eux aussi obtenir un visa avant de visiter le pays d'Europe centrale. Toujours en guise de protestation, l'ambassadeur tchèque à Ottawa a été rappelé à Prague.

«Nous percevons l'introduction d'un visa pour les citoyens tchèques comme une mesure unilatérale non amicale de la part du Canada», a commenté le premier ministre tchèque, Jan Fischer, lors d'un point de presse.

La libre circulation des Tchèques au Canada était plutôt récente. De 1997 à 2007, le gouvernement canadien exigeait l'obtention d'un visa pour les citoyens de ce pays. La trêve, qui a débuté en novembre 2007, aura été de courte durée.

Dans un communiqué de presse, le ministre canadien de l'Immigration Jason Kenney explique que le Canada a dû se résoudre à imposer des visas pour endiguer le flot de demandeurs d'asile en provenance de la République tchèque.

Selon les autorités canadiennes, en 2007 seulement, 3000 personnes, dont la majorité appartient à la minorité rom - ou tzigane - ont revendiqué l'asile au Canada. Prague conteste ce chiffre et estime à 1565 le nombre de ses citoyens qui ont fait une telle demande entre novembre 2007 et mars 2009.

«Nous avons essayé de dissuader le Canada d'aller de l'avant avec cette mesure. La République tchèque croit que c'est une mesure fautive», a dit mardi le premier ministre Fischer. Invoquant une clause de solidarité, le politicien tchèque a demandé à l'Europe des 27 d'émettre des sanctions contre le Canada.

En guise de réponse, la Commission européenne a déploré la décision canadienne, mais a annoncé qu'elle n'imposera pas systématiquement de visas pour les Canadiens.

Le Mexique espère un retournement

Tout aussi touché par la mesure, le Mexique, dans sa réaction officielle, a dit «regretter» l'imposition de visas aux Mexicains tout en reconnaissant que le Canada a agi de la sorte afin de freiner «l'augmentation substantielle de demandes d'asile frauduleuses de la part de citoyens mexicains».

Depuis 2006, le Canada a connu une véritable explosion dans le nombre de demandeurs d'asile en provenance du Mexique. En 2008, selon le ministère de l'Immigration, 9400 Mexicains ont revendiqué le statut de réfugiés au Canada. De ce nombre, seulement 11% ont été acceptés.

Les experts de l'immigration rapportent qu'un réseau d'agences vend le Canada et plus spécialement Montréal comme une destination de rêve aux Mexicains. «Ils disent à des gens honnêtes que le Canada cherche des travailleurs. Quand ils arrivent au Canada, ces Mexicains réalisent qu'on leur a menti. On leur dit alors de dire telle ou telle chose aux autorités», a rapporté Stephan Reichhold, directeur de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes.

S'il reconnaît que l'augmentation importante du nombre de demandeurs d'asile donne du fil à retordre aux organismes qui leur viennent en aide, M. Reichhold note que l'imposition de visas fermera la porte à ceux qui ont des raisons valides de demander la protection du Canada. «Soit ils seront devant une porte fermée, soit ils devront passer la frontière illégalement», a-t-il déploré.

Le tourisme en émoi

L'industrie canadienne du tourisme a elle aussi été secouée par la nouvelle. À Tourisme Montréal, on comprenait mal que le gouvernement agisse ainsi alors que des milliers de Mexicains s'apprêtent à arriver au pays pour leurs vacances.

«À Montréal seulement, nous recevons 90 000 touristes mexicains annuellement qui dépensent 60 millions. Près de la moitié d'entre eux visitent Montréal entre juillet et septembre», a remarqué la porte-parole de Tourisme Montréal, Martine Lizotte.

Les ressortissants tchèques et mexicains qui arriveront au Canada aujourd'hui pourront faire une demande de visa à la frontière, mais ceux dont l'arrivée est prévue après minuit ce soir devront se rendre à un consulat canadien pour obtenir un permis de résidence temporaire. Ils devront alors convaincre l'agent d'immigration qu'ils sont capables d'acquitter les coûts de leur séjour et qu'ils comptent rentrer chez eux après leur visite.

Dans un communiqué, le ministre de l'Immigration du Canada admettait lundi que des délais sont à prévoir.