Le gouvernement de Stephen Harper a franchi un pas de plus afin de légitimer sa nouvelle politique de «cas par cas» pour la clémence des Canadiens condamnés à mort à l'étranger, selon l'avocat d'un Canadien coincé dans le couloir de la mort aux Etats-Unis.

Mardi, le ministère des Affaires étrangères a mis en ligne un guide à l'intention des ressortissants du pays devant la justice à l'étranger où l'on retrouve une liste de critères pour déterminer si un Canadien mérite ou non qu'Ottawa intervienne en sa faveur auprès des autorités étrangères.

On y recommande par ailleurs «vivement» aux personnes faisant face à la peine de mort de ne pas compter uniquement sur la clémence que pourrait demander le gouvernement fédéral à leur endroit, mais plutôt «d'utiliser tous les moyens à leur disposition» pour se sortir eux-mêmes de leur situation.

«L'intervention du gouvernement du Canada est seulement un des recours possibles pour obtenir la clémence», ajoute-t-on.

On peut également y lire que les détenus dans les prisons étrangères devront présenter une demande «écrite» au gouvernement canadien pour espérer obtenir son appui. Ce sera ensuite au gouvernement de déterminer du «bien-fondé» de l'appel à la clémence des citoyens canadiens.

Lorne Waldman, l'un des avocats de Ronald Allen Smith, condamné à mort au Montana pour deux meurtres commis en 1983, croit que le gouvernement tente par là de confirmer sa nouvelle politique de clémence au cas par cas pour ses ressortissants, lui qui autrefois la demandait systématiquement.

En mars dernier, la Cour fédérale a durement tapé sur les doigts du gouvernement conservateur parce qu'il refusait de demander la clémence pour M. Smith - une première au pays depuis de nombreuses années - alors qu'aucune nouvelle politique n'avait officiellement été adoptée en matière de clémence.

«Je pense que la conséquence du cas Smith est que le gouvernement tente de clarifier (plus officiellement) quelle est sa politique», a confié Me Waldman à La Presse Canadienne, mercredi.

Il se désole de la tangente empruntée par le gouvernement de Stephen Harper en matière de défense des droits de ses ressortissants.

«Ce qui me préoccupe, c'est que notre gouvernement politise toute la question de la protection consulaire. Ce devrait être un droit pour tous les citoyens canadiens, peu importe leurs convictions politiques ou le crime dont on les accuse», a fait valoir Me Waldman.

«Qui alors décide de qui peut avoir la protection et qui ne peut pas l'avoir si ce n'est pas automatique pour tout le monde?», a-t-il demandé.

Liste de critères



Sur le site www.voyages.gc.ca figure une longue série de critères qui seraient vraisemblablement pris en compte par le gouvernement pour déterminer si un détenu peut espérer obtenir l'aide d'Ottawa.

Le premier point est de savoir si l'Etat dans lequel le ressortissant fait face à la peine de mort est considéré comme «démocratique», ce qui, pour M. Smith, est bien le cas puisqu'il est emprisonné aux Etats-Unis.

Vient ensuite une liste de questions pour le détenu: A-t-il été informé des raisons de son arrestation? A-t-il eu droit à un avocat? La peine de mort sera-t-elle imposée seulement si la culpabilité de la personne est prouvée hors de tout doute raisonnable? Le détenu a-t-il été torturé?

Il n'est pas indiqué quel point pourrait intervenir en faveur du prisonnier ou l'inverse.

Ce guide en ligne a fait bondir Béatrice Vaugrante de la division canadienne francophone d'Amnistie internationale, qui dénonce cette politique «de droits humains à la carte».

«Ils passent un peu par la porte arrière pour passer leur message sur la politique de la clémence», a-t-elle soutenu, ajoutant que si le gouvernement voulait en effet changer sa position sur le sujet, il devrait le faire de façon ouverte, au Parlement, afin que l'on puisse en débattre.

«Ce sont des ministres ou autres fonctionnaires qui vont juger d'une situation alors que nous avons au Canada tout l'appareil juridique et les lois qui permettent de protéger les citoyens canadiens», a-t-elle noté.

Mme Vaugrante s'inquiète d'autre part pour les détenus qui seront incapables de soumettre une demande de clémence par écrit, tel qu'exigé, compte tenu de difficultés logistiques ou bureaucratiques qui pourraient survenir dans le pays où ils sont emprisonnés.

Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Alain Cacchione, a de son côté souligné dans un courriel envoyé à La Presse Canadienne que la clémence était un «processus participatif».

«Il est pratique courante que les demandes adressée (sic) au gouvernement du Canada soit faite (sic) par écrit», a-t-il écrit.