Citant de nouveau les révélations faites par l'ancien chef d'état-major de la Défense, Rick Hillier, qui confirme dans son autobiographie que les risques de torture de détenus afghans étaient bien connus au sein du gouvernement, l'opposition continue de réclamer des explications aux conservateurs.

Réagissant vendredi à un article paru dans le quotidien Le Devoir, dans lequel le général Hillier certifie qu'Ottawa était bien aux faits des risques de torture des détenus afghans transférés aux autorités par les soldats canadiens, libéraux et néo-démocrates ont appelé les conservateurs à répondre une fois pour toutes à leurs questions.

«Ce qui est clair, c'est qu'il y a des gens qui savaient très bien les problèmes et que le gouvernement n'a pas réagi», a déploré le porte-parole libéral en matière d'affaires étrangères, Bob Rae, à la suite de la période des questions.

Interrogé par Le Devoir à savoir si les anciens ministres de la Défense, Gordon O'Connor, et des Affaires étrangères, Peter MacKay (aujourd'hui à la Défense nationale), avaient été avisés des risques dès 2006, le général Hillier a affirmé que «tout le monde était au courant».

Mais lorsque des allégations de torture ont commencé à être soulevées à la Chambre des communes, en 2007, le premier ministre Stephen Harper et M. MacKay ont maintenu pendant des mois qu'ils n'avaient aucune information crédible à cet effet.

L'opposition leur reproche aujourd'hui d'avoir tenté de camoufler l'affaire et demande depuis des semaines aux conservateurs de permettre la tenue d'une enquête.

Mais malgré les questions incessantes des partis d'opposition, aux Communes, les troupes de M. Harper persistent à dire depuis plusieurs jours qu'elles n'ont jamais été informées, à cette époque, de cas de torture.

«Ceci a été systématiquement étouffé, a dit M. Rae. Le gouvernement a refusé de laisser la commission militaire faire son travail, refusé de permettre aux personnes qui auraient de l'information de témoigner, et il a tenté de mettre fin au travail des comités parlementaires qui pourraient se pencher sur ces questions.

«De quelle façon peut-on décrire cela? On ne nous donne pas la possibilité d'avoir les réponses», a-t-il fait valoir.

La semaine dernière, un ancien diplomate, Richard Colvin, a révélé, dans le cadre de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire (CEPPM), avoir prévenu des dizaines membres du gouvernement et de l'armée qu'il y avait des problèmes «sérieux» et «alarmants» quant au traitement des prisonniers afghans.

Le gouvernement avait d'abord tenté d'empêcher M. Colvin de témoigner, en plaidant que ses déclarations pourraient présenter une menace à la sécurité nationale, mais en vain.

«Le gouvernement doit nous dire ce qui s'est réellement passé et nous devons entendre tous les acteurs devant le comité, car visiblement le gouvernement a muselé tous les acteurs», a pour sa part affirmé le porte-parole du Nouveau Parti démocratique (NPD) en matière d'affaires étrangères, Paul Dewar.

Le NPD a déposé une motion au Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan, afin de demander que les députés y entendent des témoins clés dans cette affaire, notamment M. Colvin.

L'ancien ministre O'Connor a par ailleurs refusé de commenter l'autobiographie du général Hillier, à sa sortie des Communes, soulignant qu'il ne la lirait pas.