Le registre des armes à feu pourrait franchir une nouvelle étape vers le démantèlement mercredi prochain et les conservateurs sont prêts à tout pour obtenir les neuf petits votes qu'il leur manque afin de s'en débarrasser.

Le Parti conservateur a lancé une campagne publicitaire dirigée spécifiquement vers certains députés de l'opposition susceptibles de voter aux côtés du gouvernement de Stephen Harper mercredi prochain pour abolir le registre des armes d'épaules.

La publicité radio, diffusée sur les ondes des comtés ruraux où les électeurs s'opposent généralement au registre, invite les gens à contacter directement leur député pour lui demander de voter pour mettre fin au registre.

«Le vote va être serré. Tous les votes compteront», peut-on entendre dans l'annonce qui insiste sur l'importance de «protéger notre mode de vie local».

Les citoyens sont ensuite incités à téléphoner au bureau de leur député pour lui dire qu'ils «comptent sur lui pour se débarrasser du registre».

Certains de ces députés libéraux et néo-démocrates ont déjà reçu des centaines de coups de fil de leurs électeurs sur le sujet, mais ils affirment que le flot d'appels avait commencé avant même que soient diffusées les publicités.

«Les conservateurs dépensent beaucoup d'argent dans ma circonscription pour essayer de me tordre le bras pour me forcer à voter selon leur idéologie. Je n'ai pas besoin des conservateurs pour me dire comment voter», a assuré un des députés visés, le néo-démocrate Claude Gravelle.

M. Gravelle a cependant refusé de confirmer s'il allait voter avec les conservateurs ou s'il se rangera derrière son chef Jack Layton.

Le projet de loi C-391, présenté par la députée conservateur Candice Hoeppner, vise à éliminer l'enregistrement des armes de chasse et à supprimer les données actuellement incluses dans le registre. Puisqu'il s'agit d'une initiative d'un député et non du gouvernement, la ligne de parti ne s'appliquera pas au vote du 4 novembre qui pourrait permettre au projet de loi de passer en deuxième lecture.

Les députés seront donc libres de voter comme bon leur semble, et certains ont déjà affirmé qu'ils appuieront la mesure, même si cela va à l'encontre de l'opinion de la majorité de leurs collègues libéraux ou néo-démocrates.

«Ce qui est très traditionnel dans un projet de loi privé, c'est que le vote libre est permis, (...) et c'est ce que je voulais voir, pour que les députés puissent voter en fonction du souhait de leurs électeurs», a insisté Candice Hoeppner, une députée conservatrice novice qui en est à son tout premier projet de loi privé.

Elle n'a pas voulu indiquer si c'est elle qui a eu l'idée de lancer une campagne publicitaire à la radio ou s'il s'agit plutôt de l'initiative d'organisateurs au Parti conservateur. On ignore également combien la campagne a coûté.

Vraiment privé? Comme cette campagne publicitaire est payée par le parti plutôt que par la députée elle-même, cela laisse croire à la présidente de la Coalition pour le contrôle des armes, Wendy Cukier, qu'il ne s'agit pas véritablement d'un projet de loi privé.

Mme Cukier croit que le gouvernement conservateur savait que l'unique façon de faire passer le projet de loi était de le présenter de façon privée et que c'est la raison pour laquelle il n'a pas plutôt présenté un projet de loi issu du gouvernement.

«C'est très clair qu'il s'agit d'un projet de loi gouvernemental déguisé en projet de loi privé», a-t-elle fait valoir en entrevue téléphonique.

Son organisation, tout comme l'Association pour la santé publique du Québec (ASPQ), souhaite en conséquence que Michael Ignatieff et Jack Layton exigent de leurs députés de se conformer à la ligne du parti et votent contre le projet de loi de Mme Hoeppner.

Un des députés libéraux visés par la publicité, Anthony Rota, a confirmé qu'il allait voter pour le projet de loi. Il s'offusque cependant de cette campagne publicitaire.

«Le fait qu'il continue à y avoir des annonces, même après que j'ai dit la semaine passée que j'allais appuyer le projet de loi, je trouve que c'est insultant pour les gens de la région. C'est presque comme dire des mensonges», a-t-il expliqué.

Son collègue, le député libéral Wayne Easter, affirme même que ces publicités pourraient avoir l'effet inverse que celui escompté par les conservateurs.

«J'avais l'intention de voter en faveur du projet de loi privé. A cause de la campagne publicitaire et de leur mauvaise représentation des faits, je pourrais changer d'idée», a-t-il lancé.

Les députés du Bloc québécois, qui n'ont pas fait l'objet de publicités radio, assurent pour leur part qu'ils voteront tous contre le projet de loi, même si le vote sera libre.