Encore une fois, un nouveau projet de loi du gouvernement Harper en matière de justice criminelle a été vivement dénoncé par des experts et les partis de l'opposition, hier.

Le projet C-59, qui vise à limiter les cas où un criminel purgeant une peine de prison à l'étranger peut être transféré dans une prison canadienne, accorde une discrétion «absolue» au ministre et aura pour effet que l'on abandonnera trop de Canadiens à l'étranger, ont chargé plusieurs d'entre eux.

 

Le ministre de la Sécurité publique, Peter Van Loan, qui a déposé le projet à la Chambre des communes en matinée, a plutôt affirmé qu'une fois en vigueur, cette loi défendra les intérêts et la sécurité des Canadiens au lieu de défendre ceux des criminels.

«Actuellement, les critères sont ciblés sur les intérêts des criminels seulement, a-t-il déploré. Il est nécessaire d'ajouter de nouveaux critères.»

Les critères que le ministre doit considérer en vertu de la loi actuelle incluent le risque de menace pour la sécurité du Canada, le fait que la famille du détenu habite au pays et le fait que le système carcéral où il se trouve menace sa sécurité ou ses droits de la personne.

Ces critères restent en bonne partie inchangés. Mais le gouvernement en a ajouté plusieurs autres, dont la santé du délinquant, le fait qu'il s'engage à coopérer avec les autorités et le risque qu'il mette en péril la sécurité d'un enfant.

Le changement qui a le plus fait sursauter les partis de l'opposition, cependant, est celui qui accorde au ministre la possibilité de considérer «tout autre facteur qu'il juge pertinent» - une liberté qu'il n'a pas dans la loi actuelle.

«Ce que le ministre tente de faire, c'est de couvrir une pratique instaurée sous son prédécesseur, Stockwell Day, et qui consiste à exercer une discrétion absolue pour refuser tout le monde», a dénoncé le porte-parole néo-démocrate en matière de sécurité publique, Joe Comartin.

Selon les chiffres fournis à La Presse par le bureau du ministre de la Sécurité publique, le taux d'acceptation pour ces transferts est passé de 98% en 2005-2006 à 27% en 2009-2010. En tout, 241 cas seraient en attente d'une réponse.

«C'est très idéologique, a accusé le critique libéral en matière d'affaires étrangères, Dan McTeague. Ils voient cela en dépit des droits de la personne, de ceux qui ont été torturés pour faire des aveux.»

Sébastien Grammond, professeur de droit à l'Université d'Ottawa et doyen de la faculté, a noté que le projet de loi avait pour effet de changer «l'esprit de la loi». Son article 3 prévoit en effet qu'elle a pour objet de faciliter la réadaptation et la réinsertion sociale. On y ajouterait «de renforcer la sécurité publique».

«Il semble que ce soit plus destiné à donner l'impression que l'on fait quelque chose qu'à donner une réponse réfléchie et mesurée aux problèmes auxquels notre système de justice fait face», a fait remarquer le juriste.