L'ancien ministre de la Justice du Canada, Martin Cauchon, a franchi un pas de plus vers un retour en politique active cette semaine en étant officiellement nommé candidat du Parti libéral du Canada dans la circonscription d'Outremont. En attendant de voir s'il saura regagner son ancien bastion, notre journaliste lui a posé des questions sur un éventail de sujets : de la reconstruction de son parti au registre des armes à feu, en passant par la Chine et sa relation avec Denis Coderre.

Q Vous avez été cette semaine nommé candidat officiel du Parti libéral du Canada dans Outremont. Or, le parti ne va pas très bien à l'heure actuelle. Êtes-vous ce «sauveur» que certains au PLC donnent l'impression d'attendre?

R Je n'ai nullement cette prétention. Ma prétention aujourd'hui, c'est simplement de me joindre à une équipe de candidats et de candidates, à un caucus exceptionnel et à un excellent chef pour faire en sorte que l'on puisse rebâtir le Parti libéral, continuer sur notre lancée, et offrir à la population canadienne une option aux prochaines élections générales.

Q Parlant de reconstruction, pensez-vous, comme certains, que le PLC devrait prendre le temps de se reconstruire avant de provoquer des élections? Et si oui, combien de temps?

R C'est une décision délicate pour un parti dans l'opposition qui fait face à un gouvernement minoritaire... Ça dépend des politiques qui sont présentées. Dans le meilleur des mondes, c'est certain que le parti aurait besoin d'un certain temps pour être capable de continuer à bâtir notre plateforme électorale, bâtir notre organisation politique et procéder à des collectes de fonds. Plus de temps on aura, plus le parti sera en santé, plus les troupes seront prêtes. Mais c'est toujours une question d'équilibre.

Q La tuerie de Polytechnique s'est déroulée il y a 20 ans. À titre de ministre de la Justice, vous avez vous-même été responsable du registre des armes à feu, créé à la suite du massacre. Une partie importante de ce registre pourrait bientôt être abolie à Ottawa. Qu'en pensez-vous? A-t-il encore sa place en 2009?

R J'y crois plus que jamais. Le registre contribue à créer dans notre société une culture de méfiance à l'égard des armes à feu, ce qui nous distingue vivement de nos voisins du Sud. Le registre a contribué à sauver des vies. Je désapprouve fondamentalement aussi la tentative répétée chaque fois par les conservateurs de diviser le pays, les régions contre les grands centres.

Q Par contre, Michael Ignatieff a lui-même évoqué la possibilité de devoir modifier le registre pour pouvoir plaire à tous les Canadiens, tant en milieu rural qu'en milieu urbain. Que pensez-vous de cette possibilité?

R Peu importe l'attitude que nous aurons face au registre, tous les amendements qui pourraient porter atteinte à son efficacité n'ont pas leur place.

Q C'est vous qui avez mené le grand combat sur la décriminalisation du cannabis. Est-ce que le débat devrait être mené de nouveau dans les prochaines années, et est-ce que vous seriez prêt à le mener encore une fois?



R On a toujours dit, en langage juridique, que lorsque vous avez une législation que vous n'appliquez plus, il est temps de penser à la réformer. Quand j'étais ministre de la Justice, j'ai pensé à le faire, mais malheureusement, j'ai quitté mon poste avant de pouvoir finaliser les choses. Une réforme de cette législation était de mise à l'époque. Et bien que je ne croie pas qu'il s'agisse d'une priorité pour le parti, je pense qu'aujourd'hui une réforme de cette législation est toujours de mise. Évidemment, elle devrait être actualisée. Mais c'est encore quelque chose sur lequel on devrait se pencher.

Q Dans le cadre de votre actuelle carrière d'avocat, vous faites de nombreux voyages d'affaires en Chine. Que pensez-vous des mésaventures du premier ministre Stephen Harper là-bas?

R C'est malheureux que ces gens-là aient amené un passage nuageux considérable sur les relations avec la Chine, étant donné qu'elle est aujourd'hui, si ma mémoire est bonne, la troisième puissance économique mondiale et qu'elle est peut-être en voie de devenir la plus grande puissance d'ici 2025.

Q Des ententes ont quand même été annoncées, après la rebuffade du premier ministre Wen Jiabao. N'est-ce pas dire que le Canada est de retour sur la bonne voie et que les dommages causés par Stephen Harper n'ont pas été aussi graves que prévu?

R Ça semble être le début, effectivement, d'une nouvelle ère entre les deux pays, qui s'inscrirait en fait dans la tradition qui existe depuis le début des relations diplomatiques. Pour le Canada, je le souhaite vivement. Mais si le passé est garant de l'avenir, je suis convaincu que les relations entre le Canada et la Chine, tant que le gouvernement Harper sera en place, seront des relations tendues.

Q De retour au Parti libéral... Quelques mois après l'affaire, quelle est votre réflexion sur l'épisode Coderre-Cauchon? Avez-vous reparlé à M. Coderre? Et pourquoi la situation a-t-elle dérapé à ce point?

R Ça s'inscrit dans un processus de reconstruction du parti... Il est dans l'intérêt de la population du Québec et du Canada qu'on puisse avoir un Parti libéral qui travaille en équipe et, en ce sens, il est certain que dans l'avenir, M. Coderre et moi allons travailler ensemble pour véhiculer les valeurs du Parti libéral.

Q Denis Coderre et plus récemment la femme de Stéphane Dion, Janine Krieber, sur Facebook, ont dénoncé le fait que le PLC soit dirigé de Toronto. Qu'en pensez-vous? Et à tort ou à raison, existe-t-il un malaise chez les militants libéraux du Québec par rapport à cette idée d'une mainmise torontoise?

R Je m'explique difficilement cette affirmation-là. Le Parti libéral du Canada est un parti pancanadien. Il y a des gens qui occupent des postes de commande un peu partout au Canada, c'est la nature d'un parti fédéral. Et lorsque je regarde le Québec, je trouve qu'il a son organisation et ses dirigeants en place. Des gens qui sont bien en selle.