Face à une reprise économique qui s'annonce lente en Europe et aux États-Unis, le premier ministre Stephen Harper juge que la diversification des marchés d'exportation canadiens passe par l'Asie.

«Ce qu'on voit dans l'économie globale actuellement, c'est que nous avons toutes les raisons de croire que les marchés européen et américain, qui étaient nos marchés traditionnels, auront des croissances plus lentes pendant un certain temps, a souligné M.Harper, hier à Séoul. Ça rend plus importante que jamais une diversification vers l'Asie pacifique.»

Le premier ministre concluait, hier, un voyage de six jours en Chine et en Corée du Sud, son premier séjour officiel dans ces deux pays. Or, il y a quelques semaines à peine, il s'est rendu en Inde, après un sommet de Coopération économique de la zone Asie-Pacifique (APEC), à Singapour, signe de l'importance nouvelle accordée à la région par le gouvernement conservateur.

«Je ne dirais pas qu'il s'agit d'un tournant, mais plutôt d'une mise en évidence d'une partie très importante de notre politique étrangère économique», a estimé M.Harper hier, notant au passage que plusieurs de ses ministres se sont rendus dans la région au cours des derniers mois. Le gouvernement fédéral a aussi récemment investi dans l'établissement de bureaux de commerce sur le continent asiatique, a ajouté le premier ministre.

Le Canada a plusieurs atouts, selon lui, pour percer le marché asiatique; sa proximité, de par la porte du Pacifique, ses ressources, notamment en énergie, dont les pays asiatiques auront très certainement besoin pour continuer à se développer, mais aussi d'importantes communautés chinoises, indiennes et coréennes bien établies sur le territoire canadien, ainsi que des milliers de Canadiens en Asie.

«Nous avons des liens culturels beaucoup plus développés que les autres pays industrialisés dans cette région. Ça nous donnera une position privilégiée dans l'avenir», a estimé M.Harper.

En Corée du Sud, le premier ministre a prononcé, hier après-midi, un discours historique à l'Assemblée nationale sud-coréenne. C'était en effet la première allocution d'un dirigeant canadien dans l'enceinte du pouvoir législatif de Séoul.

Dans un discours à saveur surtout économique, M. Harper a mis en garde les pays qui seraient tentés de trop rapidement mettre fin à leurs mesures de stimulation économique, sentant approcher la fin de la crise financière mondiale. «Les économies montrent des signes de stabilisation, mais cette reprise est fragile. De mauvais choix pourraient rapidement mettre en péril cette reprise. Ce sont les conditions de vie des familles partout dans le monde qui en dépendent», a plaidé le premier ministre.

Courtisant les investisseurs sud-coréens, comme il l'avait fait en Chine, Stephen Harper a ajouté que le Canada détenait «l'énergie et les minéraux dont a besoin la Corée pour poursuivre sa croissance», ainsi qu'un secteur financier attirant pour un pays qui doit avoir accès à du capital.

«Ce serait difficile de trouver deux pays qui ont autant de raisons d'être des partenaires commerciaux, a estimé M.Harper, rappelant la proximité entre la côte ouest canadienne et la péninsule coréenne. Ce qui sous-entend qu'il y a beaucoup plus qu'on pourrait faire ensemble.»

Depuis 2005, le Canada négocie avec la Corée du Sud un accord de libre-échange, dont la conclusion se fait attendre.

Une autre dispute commerciale divise les deux pays: depuis la découverte d'un premier cas d'encéphalopathie spongiforme bovine (vache folle) en 2003, au Canada, la Corée interdit toute importation de boeuf canadien. Avant l'embargo, en 2002, il s'agissait du quatrième marché d'exportation du boeuf en importance pour le Canada, évalué alors à près de 50 millions de dollars annuellement.

Le président sud-coréen, Lee Myung-bak, a affirmé en point de presse commun avec le premier ministre Harper que les deux dossiers «progressaient», voire qu'il était «ouvert» à l'idée de rouvrir son marché au boeuf canadien. Le différend est aussi devant l'Organisation mondiale du commerce.

Par ailleurs, le Canada et la Corée du Sud coprésideront le prochain sommet du G20, qui se tiendra les 26 et 27 juin, à Toronto, a confirmé le premier ministre canadien à Séoul.

En matinée, M.Harper s'était rendu dans la zone démilitarisée, qui sépare sur près de 240 km les deux Corées, tel le mur de Berlin divisait autrefois en deux la capitale allemande.