Les députés conservateurs brilleront de nouveau par leur absence aujourd'hui durant les audiences du comité parlementaire sur l'Afghanistan.

Mais les députés du Parti libéral, du Bloc québécois et du NPD entendent faire fi de cette manoeuvre visant à empêcher le comité de poursuivre son travail d'enquête dans le dossier des détenus afghans transférés par les soldats canadiens qui auraient été torturés par la police afghane. Ils convoqueront tout de même des témoins mardi après-midi.

Les trois partis de l'opposition ont multiplié les échanges toute la journée lundi afin de contrer la nouvelle tentative des conservateurs de faire dérailler les travaux du comité.

En fin de journée, ils ont reçu la confirmation des députés conservateurs qu'ils seraient absents aujourd'hui pour des raisons «personnelles», a-t-on appris. La semaine dernière, ces mêmes députés conservateurs ont boudé la réunion du comité, forçant ainsi l'annulation des audiences prévues ce jour-là.

En principe, les comités parlementaires ne peuvent siéger sans la participation des conservateurs parce qu'il y a un nombre insuffisant de députés. Mais les partis de l'opposition ont décidé de tenir des audiences quand même, bien que les témoins ne jouiront pas de l'immunité parlementaire qui s'applique lorsque les comités siègent.

En principe, les députés de l'opposition devraient entendre deux témoins cet après-midi, soit l'avocat d'Amnistie

internationale et un ancien ambassadeur canadien. «Nous avons prévu le coup. Nous avons nos témoins. Je ne veux pas dévoiler la liste des témoins parce que normalement, la machine d'intimidation du gouvernement va se mettre en branle. Nous ne voulons pas que les témoins nous disent qu'ils ne veulent plus témoigner parce qu'ils auraient reçu une mise en demeure du gouvernement», a indiqué lundi le député bloquiste Claude Bachand.

«Je serai à la réunion du comité pour entendre des témoins», a confirmé le critique libéral en matière d'affaires étrangères, Bob Rae.

Le gouvernement alerté

Par ailleurs, les deux députés ont réagi avec colère lundi en apprenant que la Croix-Rouge internationale avait alerté le gouvernement Harper à l'automne 2006 au sujet des mauvais traitements infligés aux détenus dans les prisons afghanes.

La Presse Canadienne a rapporté lundi que trois ministres du gouvernement Harper, dont Peter MacKay, alors responsable des Affaires étrangères, et un haut fonctionnaire avaient rencontré le dirigeant de la Croix-Rouge internationale, Jakob Kellenberger, à ce sujet en septembre 2006. La Croix-Rouge avait alors tenté de prévenir le Canada des conditions de détention qui prévalaient dans les prisons afghanes.

Mais en raison du secret diplomatique, on ignore ce que Jakob Kellenberger a précisément dit à Peter MacKay, Gordon O'Connor, Stockwell Day et Robert Greenhill, alors président de l'Agence canadienne de développement internationale (ACDI), lors de rencontres ayant eu lieu le 26 septembre 2006.

M. MacKay, ministre de la Défense, était à l'époque ministre des Affaires étrangères, M. O'Connor était à la tête du ministère de la Défense nationale, et M. Day était ministre de la Sécurité publique, chargé de superviser les travailleurs du Service correctionnel du Canada en poste à Kandahar.

Un mois plus tard, le bureau du ministre MacKay a rédigé un rapport faisant état des préoccupations de la Croix-Rouge. Le contenu exact du rapport, au nombre des milliers de documents sur lesquels se penche la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire dans le cadre de son enquête sur les allégations de torture, demeure confidentiel.

Jusqu'ici, le gouvernement Harper a affirmé n'avoir jamais été prévenu au sujet de possibles cas de torture de prisonniers remis aux autorités afghanes par les soldats canadiens, bien que M. MacKay ait reconnu que les conservateurs ont eu vent de préoccupations générales dès leur arrivée au pouvoir, au début de 2006.

Lundi, le député Claude Bachand a soutenu que ces nouvelles informations démontrent que le gouvernement Harper a induit la population en erreur.

«C'est une preuve supplémentaire que ce gouvernement nous a menti depuis 2006 et continue de nous mentir. Il a changé sa tactique en gardant le silence. Mais nous allons continuer à creuser cette affaire même si les députés conservateurs ne se présentent pas», a dit M. Bachand.

«Cela démontre que les ministres qui nous disent chaque jour aux Communes qu'ils n'étaient pas au courant, eh bien, ils étaient au coeur des discussions. Ils ne peuvent pas nier leur présence à la rencontre», a dit Bob Rae.

- Avec La Presse Canadienne