La fin de 2009 marque, mine de rien, le quatrième anniversaire de l'arrivée au pouvoir de Stephen Harper.

Cela fera quatre ans dans quelques semaines. Plus ou moins un mandat «normal» dans un univers politique qui est tout sauf normal depuis quelques années.

En soi, c'est tout un exploit pour un leader si peu charismatique, qui partait de si loin lorsqu'il a réussi, finalement, à unir la droite canadienne.

À ce jour, cette fusion reste vraisemblablement la plus grande réussite de Stephen Harper, la pièce maîtresse de son bilan, par ailleurs assez maigre.

Plus que leur quatrième anniversaire au pouvoir, les conservateurs peuvent donc célébrer, en cette fin d'année 2009, l'atteinte d'un équilibre, une certaine maturité, de leur nouveau parti né il y a six ans des cendres du Parti progressiste-conservateur et du fond de commerce réformiste. Au point de flirter, cet automne, avec une majorité, du moins sur papier.

En prime, Stephen Harper a même percé au Québec, récupérant des nationalistes et des fédéralistes orphelins, et raclant la base conservatrice en région.

Après avoir touché le fond du baril électoral en début d'année, les conservateurs ont repris du poil de la bête, raflant même la circonscription de Montmagny L'Islet Kamouraska Rivière-du-Loup dans une partielle, en novembre, à la barbe du Bloc québécois.

M. Harper ratisse à la fois au centre, avec des politiques économiques notamment ; parmi les familles, avec des baisses d'impôts et de taxes et des chèques pour les enfants ; à droite, avec des politiques et un discours très axés sur la loi et l'ordre, terrain de prédilection des conservateurs.

En 2009, Stephen Harper a soufflé le chaud et le froid : dépôt, au printemps, d'un budget plutôt libéral (avec une intervention massive du gouvernement dans l'économie) et maintien de la ligne dure en affaires étrangères et en criminalité (si vous n'avez pas compris que les conservateurs veulent serrer la vis aux criminels en cravate en 2009, c'est que vous avez passé l'année dans une grotte !).

En un sens, Stephen Harper, qui ne s'en allait nulle part en début d'année, a été sauvé par la récession. Non seulement parce qu'il a dû adopter un plan beaucoup plus acceptable pour une majorité d'électeurs, mais aussi parce que l'économie a été en 2009 la préoccupation centrale des Canadiens. Le pays s'en tire mieux que prévu et, visiblement, les électeurs s'en contentent.

Politiquement, les conservateurs ont passé un vilain automne, dénoncés par des diplomates à cause des cas de torture en Afghanistan, attaqués de toutes parts par les partis de l'opposition. Fustigés aussi à Copenhague sur le front environnemental et en Chine pour avoir négligé cet incontournable acteur de l'économie mondiale.

Les conservateurs ont aussi souffert de leur piètre gestion de la pénurie d'isotopes médicaux et, au début de l'automne, de la planification chaotique de l'opération vaccination contre la grippe A (H1N1).

Pourtant, M. Harper est probablement en meilleure position qu'il n'a jamais été depuis quatre ans. Tellement, en fait, que le chef libéral, Michael Ignatieff, semble déjà résigné à laisser une autre année au gouvernement conservateur.

La position peu enviable de Michael Ignatieff, qui était pourtant dans les nuages il y a 12 mois, explique évidemment les succès de fin d'année de son rival conservateur.

Pour remplacer Stephen Harper, il faudrait une solution de rechange valable. Or cette solution, Michael Ignatieff, s'est complètement dégonflée au fur et à mesure que nous avancions en 2009.

Le chef libéral s'est ressaisi en fin d'année, se dotant notamment d'un bureau digne de ce nom, mais il a perdu temps et crédibilité en 2009.

Les libéraux perdent du terrain en Ontario et en Colombie-Britannique et ils ont disparu de l'écran radar au Québec. La démission fracassante de Denis Coderre de son poste de lieutenant et la crise qui a suivi au PLC ont sérieusement amoché les libéraux. On a bien vu ces dernières semaines, avec l'affaire des prisonniers afghans, que les libéraux sont démunis sur le front médiatique sans Denis Coderre.

M. Harper s'est par ailleurs dégoté en 2009 l'allié le plus improbable, le «socialiste» Jack Layton du NPD pendant que le Bloc et son increvable chef, Gilles Duceppe, se maintiennent autour de 40% dans les intentions de vote.

Le centre-gauche est aujourd'hui aussi éclaté, aussi divisé, que ne l'était la droite au début de cette décennie qui s'achève.

Si les conservateurs prennent, en 2010, quelques bouchées de plus dans le Grand Toronto et en Colombie-Britannique, tout en maintenant leurs acquis au Québec, les prochaines élections devraient produire un Harper majoritaire.