L'affaire Julie Couillard a provoqué des changements importants au chapitre de la sécurité dans les plus hautes sphères du pouvoir à Ottawa. Le premier ministre Stephen Harper a discrètement exigé que tous ses ministres se soumettent à des vérifications de sécurité tous les deux ans, a appris La Presse. Le but : éviter une autre controverse comme celle qui a conduit à la démission de l'ancien ministre des Affaires étrangères Maxime Bernier, en mai 2008.

Avant l'entrée en vigueur de cette nouvelle politique, les députés qui accédaient au cabinet ne devaient subir un tel examen qu'une seule fois, soit au moment de leur nomination. Une fois assis à la table du cabinet, aucune autre vérification n'était réalisée tant que le ministre demeurait en poste.

Des documents obtenus par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information démontrent M. Harper a mis fin à cette pratique au printemps 2008, à la suite des révélations selon lesquelles l'ancienne amie de coeur de Maxime Bernier, Julie Couillard, avait eu auparavant des relations amoureuses avec trois individus liés au monde interlope.

M. Bernier a été contraint de démissionner le 26 mai 2008 après qu'il fut révélé qu'il avait oublié des documents confidentiels du cabinet au domicile de Mme Couillard. Ces documents étaient essentiellement des notes d'information portant sur le sommet de l'OTAN qui avait eu lieu en Roumanie dans les jours précédents.

M. Bernier avait fait l'objet d'une enquête de vérification de la part de la Gendarmerie royale du Canada avant sa nomination au cabinet comme ministre de l'Industrie, en février 2006.

Bombardements de questions

À l'époque, M. Harper avait été bombardé de questions par les partis de l'opposition qui cherchaient à savoir si les mesures de sécurité et les vérifications qui s'appliquaient aux ministres étaient adéquates.

Or, tout indique que M. Harper a modifié les exigences en matière de sécurité au tout début de la controverse entourant les liens entre Mme Couillard et l'ex-ministre Bernier, et avant même que ce dernier ne démissionne.

Dans une note d'information rédigée à l'intention du premier ministre et datée du 11 juin 2008, l'ancien greffier du Conseil privé, Kevin Lynch, affirme : «À la lumière de votre requête d'avoir des vérifications de sécurité des ministres tous les deux ans, le bureau du Conseil privé a demandé qu'une autre vérification de sécurité soit réalisée sur le compte de M. Bernier le 11 avril 2008.»

Le reste de la note est toutefois censuré, de sorte qu'on ne peut savoir la nature des renseignements que les enquêteurs de la GRC ont remis au bureau du Conseil dans le cadre de cette deuxième vérification de sécurité.

M. Bernier a fréquenté Mme Couillard pendant six mois environ. Elle était à ses côtés lorsque M. Bernier est devenu ministre des Affaires étrangères en août 2007 à Rideau Hall. Leur relation a pris fin en avril 2008.

À l'heure actuelle, le cabinet de M. Harper compte 37 ministres, dont la majorité occupe des fonctions ministérielles depuis l'arrivée des conservateurs au pouvoir en 2006.

M. Harper a formé son cabinet actuel au lendemain des élections générales d'octobre 2008. En principe, donc, tous les ministres devraient se soumettre à un nouvel examen de leurs antécédents par les autorités policières à l'automne.

Une politique applaudie

Expert en matière de sécurité et ancien cadre au Service canadien du renseignement de sécurité, Michel Juneau-Katsuya applaudit la politique. Elle aurait dû être adoptée il y a longtemps, soutient-il. «Il faut comprendre que ces gens occupent des postes importants au sein du gouvernement et que les choses en politique bougent très, très rapidement», dit-il. Une vérification aux trois ans aurait toutefois été suffisante, ajoute M. Juneau-Katsuya, qui est président du Northgate Group, firme qui propose aux entreprises des moyens d'améliorer leur sécurité et de lutter contre l'espionnage.

Antécédents

En plus d'examiner le passé des ministres, la GRC effectue des vérifications des antécédents des différents hauts fonctionnaires avant leur nomination : les sénateurs, les membres du Conseil privé, les chefs d'organismes, les dirigeants des sociétés d'État, les chefs des missions canadiennes et les directeurs de la Banque du Canada.

Les limiers vérifient si les personnes en question ont des casiers judiciaires, la fiabilité des informations concernant les diplômes et les qualifications professionnelles et les emplois précédents.

Aussi, les policiers peuvent interroger les membres de la famille, les amis, les connaissances, les collègues, les anciens employeurs et même les voisins de la personne, selon le niveau d'autorisation de sécurité requis.

La plupart des employés de l'État qui ont un niveau d'autorisation de sécurité élevé doivent se soumettre à un nouvel examen tous les cinq ans.

- Avec William Leclerc