Stephen Harper a modifié la composition de son cabinet hier pour s'attaquer aux deux nouvelles priorités de son gouvernement: le retour à l'équilibre budgétaire et la lutte contre la menace terroriste.

À quelque six semaines de la reprise des travaux parlementaires, le premier ministre a aussi profité de l'occasion pour rétrograder des ministres qui n'ont pas été à la hauteur depuis 15 mois, dont Lisa Raitt et Peter Van Loan.Alors que son gouvernement a comme objectif d'éliminer d'ici cinq ans un déficit qui frisera les 56 milliards de dollars en 2009-2010, M. Harper a décidé de nommer Stockwell Day, l'un de ses ministres les plus efficaces, responsable du Conseil du Trésor, qui surveille toutes les dépenses de l'État.

M. Day était ministre du Commerce international et a déjà été trésorier de l'Alberta. Il épaulera donc le ministre des Finances, Jim Flaherty, pour rétablir l'équilibre budgétaire à Ottawa. «J'ai deux mots importants dans mon vocabulaire: non et non!» a lancé hier M. Day après la cérémonie de prestation de serment.

Le Manitobain Vic Toews passe pour sa part du Conseil du Trésor au ministère de la Sécurité publique. Son mandat est déjà bien arrêté: revoir toutes les mesures de sécurité au pays dans la foulée de l'attentat raté du 25 décembre contre un vol Amsterdam-Detroit. Cet incident a forcé les autorités canadiennes et américaines à redoubler de vigilance dans les aéroports, d'autant plus qu'il pourrait s'agir d'un «projet pilote» en prévision d'une autre attaque, selon Ottawa. Celui qui occupait ce poste, Peter Van Loan, est muté au ministère du Commerce international.

Dans ce jeu de chaises musicales, deux ministres du Québec obtiennent de nouvelles responsabilités: Christian Paradis, homme de confiance de Stephen Harper au Québec, quitte le ministère des Travaux publics pour s'occuper des Ressources naturelles tandis que Jean-Pierre Blackburn, titulaire du Revenu, devient ministre des Anciens Combattants et conserve ses responsabilités de ministre d'État responsable de l'agroalimentaire.

L'Albertaine Rona Ambrose obtient un quatrième ministère en quatre ans. Après avoir été titulaire de l'Environnement, des Affaires intergouvernementales et du Travail, elle succède à Christian Paradis aux Travaux publics. Lisa Raitt, qui s'est retrouvée dans l'embarras à la suite de la fermeture du réacteur de Chalk River et de la pénurie d'isotopes médicaux, passe au ministère du Travail.

Keith Ashfield, qui était ministre d'État responsable de l'Agence de promotion économique pour les provinces atlantiques, hérite du portefeuille du Revenu. Il devient le ministre du Nouveau-Brunswick à la suite de la démission surprise de Greg Thompson. Un autre député du Nouveau-Brunswick, Rob Moore, obtient également une promotion en devenant ministre d'État responsable de la petite entreprise et du tourisme.

En point de presse, le premier ministre Stephen Harper a affirmé que ce cabinet remanié permettra à son gouvernement de s'attaquer à la difficile tâche d'éliminer le déficit, qui devra se faire principalement en limitant la croissance des dépenses.

«Nous terminons la mise en oeuvre de notre plan d'action économique. Nous prévoyons la réduction du déficit lorsque l'économie aura repris et nous voulons assurer les emplois et la croissance économique de l'avenir», a dit M. Harper.

Le premier ministre a tenu à louer le travail de deux de ses ministres, soit Christian Paradis et Stockwell Day. «Christian a démontré qu'il sait gérer des enjeux et des dossiers complexes et il mérite une expérience plus variée et plus stimulante au sein du cabinet», a-t-il dit.

Les trois partis de l'opposition se sont montrés peu impressionnés par ces changements. La charge la plus virulente est venue du chef bloquiste, Gilles Duceppe, qui a accusé Christian Paradis d'être devenu «le vendeur des sables bitumineux au Québec».

«Ça illustre comment il y a des gens qui servent de Québécois de service à Ottawa et qui sont prêts à tout faire. Et M. Paradis est certainement un bon exemple. Imaginez: le lieutenant politique du Québec se fera le défenseur des sables bitumineux», a dit M. Duceppe.

Piqué au vif, Christian Paradis a dénoncé les «âneries», les commentaires «pathétiques» et l'attitude de «perdant» du chef bloquiste. Il a affirmé qu'il ne fera pas de cadeau à l'industrie pétrolière. Elle devra faire aussi sa part, selon lui, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Le chef libéral Michael Ignatieff a affirmé que ce remaniement ne changera rien à la direction du gouvernement. «C'est toujours la même équipe. Ils ont changé les marionnettes un peu, mais le grand chef est toujours là. Ça reste un gouvernement Harper et on connaît le caractère politique de cet homme», a-t-il dit.

Pour sa part, le leader adjoint du NPD, Thomas Mulcair, s'est dit inquiet de la nomination de Stockwell Day au Conseil du Trésor. Selon lui, cela démontre que le gouvernement Harper s'apprête à réduire aveuglément les dépenses pour éliminer le déficit.

À Québec, le premier ministre Jean Charest s'est réjoui de la «promotion» accordée à Christian Paradis. «Je me réjouis pour lui parce que les relations avec nous ont toujours été très bonnes. On va continuer à travailler avec lui comme responsable des dossiers pour le Québec».

- Avec Tommy Chouinard et Denis Lessard