Insuffisantes. Mal adaptées à la tragédie. Décevantes. Mardi, les adjectifs péjoratifs fusaient de partout au pays pour décrire les mesures d'immigration mises sur pied par le gouvernement de Stephen Harper pour répondre à la crise à Haïti.

Le gouvernement du Québec, les partis de l'opposition à Ottawa, la communauté haïtienne de Montréal, les avocats et les organismes spécialisés en immigration demandent tous à Ottawa d'en faire plus, plus vite, pour faciliter l'arrivée au pays des rescapés du séisme qui ont des proches au Canada.

Le ministre de l'Immigration, Jason Kenney, a annoncé samedi que le Canada accélérera le traitement des demandes de parrainage formulées par des citoyens canadiens qui ont de la parenté en Haïti, mais que les exigences qui y sont rattachées seraient maintenues : examen médical, frais de dossier, vérifications de sécurité...

«Ce que le gouvernement a annoncé n'est pas assez dans les circonstances. Nous sommes tous déçus, pour ne pas dire en colère», a lancé mardi après-midi lors d'une conférence de presse Stephan Reichhold, directeur de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI).

Mardi, de concert avec la Maison d'Haïti, le Conseil canadien des réfugiés et le Conseil national des citoyens et citoyennes d'origine haïtienne (CONACOH), la TCRI a demandé au gouvernement fédéral de revenir à sa table à dessin.

Ils lui suggèrent notamment d'assouplir les critères d'admissibilité au programme de réunification familiale. Pour le moment, les citoyens canadiens peuvent parrainer leurs parents, leurs grands-parents, leur conjoint et leurs enfants, mais pas leurs frères, leurs soeurs, leurs oncles, leurs tantes, leurs neveux et leurs nièces.

Cette proposition s'appuie sur un précédent : lors du tsunami de 2005, le gouvernement fédéral avait élargi la portée du programme de parrainage et avait retiré les frais de traitement. «S'il y a de la volonté politique, tout peut être fait très vite», a noté mardi Janet Dench, directrice générale du Conseil canadien des réfugiés.

Québec s'impatiente

Le TCRI et ses collaborateurs ont un appui de taille. La ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles du Québec, Yolande James, essaie-t-elle aussi d'amener Ottawa à assouplir ses règles. «Les mesures annoncées par Ottawa sont une première étape, mais on parle ici d'une catastrophe sans précédent qui appelle des mesures exceptionnelles», a souligné l'attaché de presse de la ministre, Luc Fortin.

La chef du Parti québécois, Pauline Marois, abonde dans son sens. Selon elle, le Québec est prêt à accueillir beaucoup plus de sinistrés que ce que prévoit Ottawa. «À l'époque des boat people, le Québec a ouvert ses frontières et nous ne l'avons jamais regretté», a-t-elle dit à La Presse.

L'opposition mécontente

Mardi, tant le chef du bloc québécois, Gilles Duceppe, que celui du Parti libéral du Canada, Michael Ignatieff, ont demandé plus de souplesse au gouvernement fédéral.

«Il y a peut-être des obstacles techniques dans la législation sur la réunification des familles, sur l'aide aux réfugiés. Nous sommes prêts à travailler avec le gouvernement, afin d'assouplir ces règlements, mais le Parlement ne siège pas», a dénoncé mardi M. Ignatieff.

«Il y a urgence», a tonné pour sa part Gilles Duceppe avant la réunion du caucus de son parti à Québec, mardi. «C'est exceptionnel comme situation, et il faut prendre des mesures qui le sont.» Il a rappelé que des mesures d'exception avaient été prises en 1999 pour que les dossiers de 5000 réfugiés kosovars soient étudiés au Canada plutôt qu'à l'étranger.

Porte-parole de la Maison d'Haïti à Montréal, Marjorie Villefranche aimerait que le gouvernement suive cet exemple. Les personnes qui ont de la famille ici pourraient résider temporairement au Canada en attendant l'étude de leur dossier d'immigration. «Est-ce qu'on va attendre que les survivants meurent de faim avant de faire quelque chose pour eux?» déplore-t-elle.

Mardi, le ministre Jason Kenney a décliné les demandes d'entrevue de La Presse. Son attaché de presse, Alykhan Velshi, a affirmé que, pour le moment, le gouvernement n'a pas l'intention de bonifier les mesures extraordinaires tout juste mises en place.

- Avec la collaboration de Malorie Beauchemin, Tommy Chouinard et Katia Gagnon