Le Bloc québécois craint que la nouvelle offensive du gouvernement Harper visant à imposer des peines plus sévères aux jeunes contrevenants reconnus coupables de crimes graves ne remette en cause le modèle québécois, qui met davantage l'accent sur la réhabilitation plutôt que l'incarcération.

Le critique bloquiste en matière de justice, Serge Ménard, a soutenu hier que rien ne justifie que les jeunes contrevenants écopent de peines plus sévères, du moins au Québec, où la réhabilitation a fait ses preuves au fil des ans.

 

M. Ménard et ses collègues des autres partis se sont aussi interrogés à voix haute sur le moment choisi par les conservateurs pour annoncer ces changements. Le ministre de la Justice Rob Nicholson a confirmé hier son intention de déposer son projet de loi après la reprise des travaux parlementaires, le 3 mars.

Les mesures proposées permettraient aux tribunaux d'imposer des peines d'emprisonnement à vie aux jeunes de 14 et plus reconnus coupables d'un crime grave et violent, comme un meurtre prémédité. Actuellement, la peine maximale est de 10 ans.

Les provinces conserveraient la discrétion de déterminer l'âge auquel les jeunes s'exposeraient aux mêmes peines que les adultes. Au Québec, les peines plus sévères ne peuvent être imposées qu'à compter de l'âge de 16 ans, alors que dans d'autres provinces, l'âge minimum est de 15 ans.

Le gouvernement Harper proposera dans son projet de loi de lever l'interdit de publication qui touche l'identité des jeunes, estimant qu'un jeune reconnu coupable d'un crime violent ne devrait pas bénéficier de l'anonymat s'il est mis en liberté.

Les jeunes de moins de 18 ans devraient cependant purger leur peine dans des établissements pour adolescents, et non pas dans des pénitenciers pour adultes.

«Les conservateurs croient que c'est politiquement payant de faire cela. Mais il n'y a rien dans l'évolution de la criminalité juvénile qui justifierait un changement pareil», a affirmé hier M. Ménard, ancien ministre de la Justice du Québec.

«Ce qui m'inquiète, c'est qu'on remette en cause le système québécois, qui a donné des résultats remarquables au cours des années. Et c'est un système qui n'appartient à aucun parti politique. Cela a toujours été unanime au Québec de viser la réhabilitation», a-t-il ajouté. M. Ménard a soutenu que le modèle québécois fait en sorte que la délinquance juvénile est 50% moins élevée au Québec que dans le reste du pays.

La réhabilitation d'abord

«Nous avons investi dans la qualité de l'intervention plutôt que dans les murs, plutôt que de bâtir des prisons. Nous avons obtenu de bons résultats. Cela devrait être une inspiration pour le reste du Canada plutôt que d'aller s'inspirer ailleurs où ça marche mal, comme aux États-Unis», a dit M. Ménard.

En entrevue à La Presse, le ministre des Ressources naturelles et lieutenant politique de Stephen Harper au Québec, Christian Paradis, a rétorqué que les mesures respecteront le désir de Québec de mettre l'accent sur la réhabilitation. «Je suis pour la réhabilitation. Le jeune qui fait une erreur de jeunesse sera traité comme tel. On parle de crimes violents et de récidivistes», a dit M. Paradis.