Le chef du Parti libéral, Michael Ignatieff, voit d'un mauvais oeil la nomination au Sénat de l'Ontarien Bob Runciman, un ancien ministre dans le gouvernement conservateur de Mike Harris qui n'a jamais caché son hostilité envers le bilinguisme et les francophones.

M. Runciman, qui a été ministre de la Sécurité publique de l'Ontario, a même déjà appuyé le groupe Alliance for the Preservation of English in Canada (APEC), une organisation francophobe dont les membres se sont rendus célèbres au pays en plein débat sur l'accord du lac Meech en piétinant et en brûlant le drapeau du Québec.

M. Runciman est l'un des cinq sénateurs conservateurs nommés vendredi dernier par le premier ministre Stephen Harper afin de combler les vacances au Sénat. Grâce à ces nominations, les conservateurs ont pris le contrôle de la Chambre haute.

Les autres sénateurs sont Pierre-Hugues Boisvenu, du Québec, la députée provinciale du Nouveau-Brunswick Rose-May Poirier, la députée provinciale de Terre-Neuve Beth Marshall, et l'homme d'affaires ontarien Vim Kochhar.

En point de presse hier, à Ottawa, M. Ignatieff a dit être étonné que le premier ministre nomme M. Runciman au Sénat étant donné que cette institution a historiquement eu le rôle de protéger les minorités au pays, en particulier les minorités francophones.

«M. Runciman est responsable de ce qu'il a dit. Un des rôles du Sénat est de protéger les minorités, surtout les minorités linguistiques. Alors, avec un sénateur comme M. Runciman, qui a tenu des propos hostiles au fait que nous sommes un pays bilingue, ce n'est pas très formidable. La fonction du Sénat est de défendre les intérêts des minorités partout au pays. Ça commence très mal, c'est le moins que l'on puisse dire», a affirmé M. Ignatieff.

Les recherchistes du Parti libéral ont passé au peigne fin les propos controversés tenus par M. Runciman au cours des dernières années. Les déclarations en question datent de 1987 à 1993.

En plus d'appuyer les militants du groupe APEC, M. Runciman avait réclamé l'abolition de la chaîne francophone publique de l'Ontario, TFO, estimant qu'il s'agissait d'une dépense inutile. Il avait aussi demandé au gouvernement de l'Ontario de cesser de publier des annuaires téléphoniques bilingues.

Un proche collaborateur de M. Harper, Dimitri Soudas, a rétorqué qu'il s'agit de vieilles déclarations et que M. Runciman appuie les principes fondateurs du Parti conservateur. L'un de ces principes stipule que le Parti conservateur soutient le bilinguisme au pays.

«En matière de bilinguisme, M. Harper est irréprochable. Qu'il soit à Red Deer en Alberta, à Iqaluit, dans le Nord, ou en Australie, tous ses discours comportent du français. Toutes ses conférences de presse commencent avec la langue de Molière. Il a reçu un prix de la Francophonie pour son apprentissage de la langue française. Sans hésitation et avec fierté, le premier ministre parle de la langue française comme de la langue fondatrice du Canada», a dit M. Soudas.

Ce dernier a aussi rappelé que certains libéraux, dont Justin Trudeau, ont tenu des propos douteux au sujet du bilinguisme au Nouveau-Brunswick en 2007. Il a aussi affirmé que le gouvernement Harper a reconnu la nation québécoise à la Chambre des communes en 2006.