Après avoir essuyé de nombreuses critiques pour avoir fermé le Parlement jusqu'en mars, les conservateurs de Stephen Harper proposent d'abolir deux des trois semaines de relâche parlementaire prévues aux mois de mars et avril pour «siéger le plus possible».

Accusés depuis la prorogation de ne pas vouloir travailler, les conservateurs multiplient les activités médiatiques depuis quelques jours. Ils ont senti le besoin, en moins de 48 heures, d'organiser une séance de photo au comité des priorités (chose inhabituelle), un briefing technique et deux conférences de presse, avec pour seul objectif de démontrer qu'ils sont «au travail».

 

«Ce qu'on fait maintenant, c'est de consulter les Canadiens en prévision du discours du Trône et du budget. C'est ce que nous avons fait en janvier. C'est ce que nous faisons en février, a expliqué le ministre de l'Industrie, Tony Clement. Quand la session reprendra, il n'y a aucun doute qu'il y aura beaucoup de travail pour les parlementaires. C'est pourquoi nous pensons qu'il est important d'avoir ces deux semaines supplémentaires de travail.»

Son collègue Christian Paradis, ministre des Ressources naturelles et lieutenant pour le Québec, a renchéri en réitérant que la prorogation du Parlement visait à laisser le temps au gouvernement de «recalibrer» son plan d'action économique.

«Les deux semaines de relâche, on veut les enlever pour être capables d'optimiser notre temps parlementaire, a dit M. Paradis. Nous, on veut siéger le plus possible pour passer les mesures auxquelles les Canadiens s'attendent.»

L'opposition n'a pas manqué de soulever la contradiction. «Le gouvernement s'est aperçu que la prorogation avait été très mal reçue et il cherche une façon de se racheter et de montrer à la population que la prorogation n'était pas une excuse pour moins siéger», a dit le leader parlementaire du Bloc québécois, Pierre Paquette.

«On n'a pas de problème avec le fait d'ajouter des semaines étant donné que le gouvernement a eu l'irresponsabilité d'en couper quatre avec la prorogation, a-t-il ajouté. Mais il faut quand même s'assurer que les députés puissent être régulièrement dans leurs circonscriptions.»

Au Parti libéral, le chef Michael Ignatieff a accepté immédiatement la proposition d'annuler les semaines de relâche parlementaire, jugeant que M. Harper avait abusé de son pouvoir de premier ministre en prorogeant la Chambre le 30 décembre, pour la deuxième fois en un an.

»Un gouvernement désespéré»

«C'est un gouvernement désespéré qui tente de réparer le dommage causé par ses propres sottises, a critiqué M. Ignatieff. Il n'avait aucune bonne raison de fermer le Parlement. Maintenant, il veut qu'on travaille pendant les pauses de mars et d'avril. Nous sommes prêts à le faire, mais on se demande pourquoi on ne pouvait pas être au travail depuis le 25 janvier, pourquoi on ne peut pas revenir la semaine prochaine.»

Même son de cloche au NPD, qui réclame le retour de la Chambre le plus tôt possible. «M. Harper a finalement décidé que c'est essentiel d'avoir la Chambre des communes qui travaille? C'est le même homme qui a dit que c'était mieux pour l'économie quand le Parlement ne siégeait pas, a souligné le chef néo-démocrate, Jack Layton. C'est contradictoire et c'est ironique. Ça indique qu'il bâtit sa politique au fur et à mesure.»

Le chef du NPD reste toutefois flou sur ses intentions quant à la proposition d'ajouter des semaines supplémentaires en mars et en avril. Un tel changement au calendrier requiert le consentement unanime de tous les partis et devra être adopté au retour de la Chambre, le 3 mars.

Les récents sondages tendent à démontrer que le Parti conservateur continue de perdre du terrain au profit des libéraux de Michael Ignatieff. Un coup de sonde mené par Ekos pour le réseau de télévision CBC a révélé hier que les deux partis sont virtuellement à égalité, même si le Parti libéral a techniquement pris les devants dans les intentions de vote, à 31,9%, contre 31% pour le Parti conservateur. Selon ce sondage, réalisé entre le 27 janvier et le 2 février auprès de 3206 personnes, 45,7% des Canadiens pensent que le gouvernement va dans la mauvaise direction, et 42,6% croient le contraire.

En manque de visibilité, le premier ministre Harper doit par ailleurs prononcer une allocution devant le Parlement de Colombie-Britannique, à Victoria, la veille des cérémonies d'ouverture des Jeux olympiques, le 11 février. Un événement rarissime, que le chef de l'opposition libérale, dans les circonstances, n'a pas hésité à tourner en ridicule.

«Je suis inquiet. Peut-être va-t-il tenter de proroger l'Assemblée législative de Colombie-Britannique», a lancé Michael Ignatieff à la blague.

«C'est un peu curieux qu'il souhaite faire une allocution devant un Parlement qui travaille alors qu'il a fermé le sien ici», a-t-il ajouté.