«Ou bien ils ont totalement oublié, ou bien ils s'en fichent complètement», dit des conservateurs Heidi Rathjen en parlant du drame auquel elle a survécu, celui de l'École polytechnique.

Aujourd'hui mère de famille, Mme Rathjen a participé à une conférence de presse, hier, à l'invitation du député du Bloc québécois Thierry St-Cyr. Leur sortie se voulait «un cri du coeur» pour sauver le registre des armes à feu, dont un projet de loi à l'étude à la Chambre des communes vise le démantèlement.

 

Le projet de loi C-391 a été déposé en novembre dernier par une députée conservatrice. Appuyé par tous les conservateurs, mais aussi par des députés néo-démocrates et libéraux, il a franchi le cap de la deuxième lecture à la Chambre des communes.

Si le projet de loi privé franchit l'étape de la troisième lecture et est entériné par le Sénat, cela libérerait les propriétaires d'armes d'épaule, essentiellement des armes de chasse, de l'obligation d'enregistrer leurs fusils et carabines. Si c'est le cas, les conservateurs «auront du sang sur les mains», dit Heidi Rathjen.

La Ruger Mini-14, la carabine avec laquelle Marc Lépine a tué 14 femmes le soir du 6 décembre 1989, serait l'une des armes qu'on n'aurait plus à enregistrer, a souligné Mme Rathjen. «C'est frustrant.»

Pétition

Thierry St-Cyr, député de Jeanne-Le Ber, a lancé une pétition pour maintenir le registre. Rien que dans sa circonscription, il a recueilli plus de 1500 signatures, qui seront déposées à la Chambre des communes le 8 mars, à l'occasion de la Journée internationale de la femme.

«J'ai peu d'espoir de les faire changer d'idée», reconnaît M. St-Cyr en parlant des conservateurs. Il interpelle plutôt les chefs néo-démocrate et libéral, Jack Layton et Michael Ignatieff, qu'il exhorte à s'élever au-delà de leurs «intérêts purement politiques».

«M. Layton a voté contre ce projet de loi d'initiative privée, répond Kark Bélanger, attaché de presse de M. Layton. Sa position en faveur du maintien du registre est bien connue.»

«Ce n'est pas la fin du registre, mais le début d'un processus parlementaire qui va se poursuivre en comité, dit de son côté Jean-François Del Torchio, attaché de presse de M. Ignatieff. On croit au registre et on veut qu'il soit efficace.»

Il rappelle également que le projet de loi C-391 est privé et que le vote a été libre en novembre dernier.

»Essentiel pour les policiers»

Les députés qui appuient le projet de loi C-391 affirment que le registre coûte trop cher en fonds publics et qu'il ne prévient pas nécessairement le crime. «C'est aux provinces d'enregistrer les armes de chasse», ajoute Daniel Petit, député conservateur de Charlesbourg et secrétaire parlementaire du ministre de la Justice.

«C'est un scandale que des politiciens manipulent les faits», s'indigne Mme Rathjen. Depuis la mise en place du registre, le taux d'homicides entre conjoints a diminué, fait-elle valoir.

«C'est un outil absolument essentiel dans les mains des policiers», renchérit Claude Trudel, maire de Verdun et responsable de la sécurité publique au comité exécutif de la Ville de Montréal.

Montréal a d'ailleurs adopté une résolution pour le maintien du registre en décembre dernier, tout comme l'Assemblée nationale, à l'unanimité et à plusieurs reprises.

Selon un sondage La Presse Canadienne-Harris Decima réalisé l'automne dernier, les Québécois sont par ailleurs plus opposés à l'abolition du registre des armes à feu que ne le sont le reste des Canadiens (56% contre 41%). Ils sont plus nombreux à croire que le registre joue un rôle dans la prévention du crime.