Même s'il considère le budget 2010-2011 comme inacceptable, le Parti libéral du Canada sauvera le gouvernement minoritaire de Stephen Harper, a annoncé jeudi le chef Michael Ignatieff.

Les députés libéraux voteront contre l'exercice financier qu'a présenté le ministre des Finances, Jim Flaherty, mais pas en nombre suffisant pour faire tomber le gouvernement conservateur.

En situation minoritaire, les troupes du premier ministre auraient normalement dû obtenir l'appui d'au moins un des trois partis de l'opposition pour survivre. Le Parti conservateur possède 145 des 307 sièges votants à la Chambre des communes. Pour obtenir la majorité des voix, le chiffre magique de 154, il n'a donc besoin que de 9 absents dans la salle - 8 si on tient compte du fait que le député indépendant André Arthur vote généralement avec le gouvernement.

Si tous les partis de l'opposition ont catégoriquement rejeté le budget, le chef libéral a jugé que le fruit n'était pas mûr pour des élections générales.

«On va voter contre, mais on ne va pas déclencher des élections parce que les Canadiens m'ont clairement dit qu'ils ne veulent pas d'élections», a dit M. Ignatieff.

Il a surtout laissé entendre que les troupes libérales n'étaient pas prêtes à partir en campagne électorale, affirmant qu'il travaillait actuellement à bâtir un programme.

«Ce pays a besoin d'une alternative. Nous la mettons en place. Nous avons fait le plus grand exercice de consultation populaire, avec 32 tables rondes. Nous préparons une conférence à Montréal, a souligné le chef libéral. Vous voulez des politiques différentes ? Une vision différente, plus ambitieuse pour l'avenir du Canada ? C'est ce que vous attendez du Parti libéral. Et j'y travaille, une pierre à la fois, étape par étape.»

Le chef bloquiste, Gilles Duceppe, est le seul à s'être commis, affirmant que ses députés n'allaient pas seulement refuser d'appuyer le budget, mais qu'ils voteraient contre, plutôt que de s'abstenir.

Dressant une longue liste de griefs, du manque de mesures pour bonifier l'assurance emploi à l'absence d'incitatifs pour l'hydroélectricité et l'aéronautique, en passant par la création d'une commission des valeurs mobilières pancanadiennes - ce que Québec rejette -, le chef du Bloc a conclu que «le fédéralisme, ce n'est pas rentable pour le Québec».

Se gardant bien de dire si ses députés voteront contre le budget ou s'ils s'abstiendront pour éviter le risque de provoquer la chute du gouvernement, le chef du NPD, Jack Layton, a jugé que les conservateurs avaient fait «les mauvais choix».

«On ne peut pas appuyer un budget qui laisse tomber les victimes de cette récession, les chômeurs, les chômeuses, les aînés, les moins nantis et, au même temps, qui annule tous les processus pour étudier les effets des grands projets sur l'environnement», a dit M. Layton.

Même après l'annonce de Michael Ignatieff à l'effet qu'il maintiendrait le gouvernement Harper en vie, le NPD n'a pas fait marche arrière pour clarifier sa position. «C'est une décision qui va être prise par le caucus», a déclaré le chef adjoint et député d'Outremont, Thomas Mulcair.

Le ministre des Ressources naturelles et lieutenant québécois de Stephen Harper, Christian Paradis, s'est dit très heureux d'apprendre que le Parti libéral sauverait la vie de son gouvernement et permettrait au budget d'être adopté. «Je trouve cela responsable, a-t-il souligné. Ça prenait ce budget-là parce qu'on arrive à la croisée des chemins.»

M. Paradis a dit voir la décision annoncée par Michael Ignatieff comme un signe que le chef libéral n'est pas complètement opposé aux mesures présentées dans le document financier. «C'est du gros bon sens, a-t-il souligné. Ce qu'on fait, c'est de continuer à mettre la table pour assurer une reprise vigoureuse, maintenir les emplois actuels et en créer.»