Mauvaise utilisation du nouveau média, mise en scène, absence d'interaction... L'entrevue du premier ministre Stephen Harper sur YouTube a soulevé les critiques de l'opposition, hier, au lendemain de sa diffusion.

«Ce que les gens recherchent dans les médias sociaux, c'est de l'authenticité et en arriver à une certaine proximité. De la façon dont ça a été fait, il a un peu manqué son coup», a estimé le député libéral Denis Coderre, fervent utilisateur de Facebook et de Twitter.

 

L'entrevue diffusée sur YouTube, d'une durée de 40 minutes, montre le premier ministre assis à une table, à côté d'un écran. En face de lui, le vice-président de Google Canada, Patrick Pichette, lui pose des questions présélectionnées parmi celles qu'avait soumises le public dans les cinq jours qui ont précédé l'enregistrement.

«Je ne sais pas si c'était la même personne qui a mis en ondes Stéphane Dion la dernière fois, mais ça semblait d'aussi bonne qualité», a lancé, ironique, le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, en référence à une vidéo ratée de l'ancien chef libéral, alors qu'il dirigeait la coalition PLC-NPD, en décembre 2008.

Pour le chef néo-démocrate, Jack Layton, cette entrevue témoigne de la volonté du premier ministre de contrôler son message.

«Moi, je suis disponible pour les entrevues nuit et jour, et les gens n'ont pas de problème à me poser des questions. M. Harper veut toujours contrôler la situation, alors il a utilisé YouTube», a dit M. Layton, qui dit n'avoir rien appris de neuf dans les réponses du premier ministre.

Du côté des conservateurs, le ministre du Patrimoine, James Moore - lui aussi très actif sur Twitter -, juge que l'expérience du premier ministre a été, «dans l'ensemble, très bien reçue».

«Les médias traditionnels n'aimeront peut-être pas le fait que leur domination sur la diffusion des nouvelles et sur l'accès au premier ministre se voie réduite, mais je pense que les Canadiens veulent le plus de choix possible pour accéder à l'information et que l'utilisation des nouvelles technologies est une très bonne chose», a souligné le ministre Moore.

Or, Pierre Bélanger, professeur en communications à l'Université d'Ottawa, croit que M. Harper a échoué à ce premier vrai test sur YouTube.

«On utilise une nouvelle technologie, mais on fait tout comme avec les médias traditionnels des années 60: un show de chaises unidirectionnel, avec une mise en scène, un acteur de soutien et des questions choisies, a déploré M. Bélanger. C'est comme un film en noir et blanc.»

À 19h hier soir, presque 24 heures après avoir été mise en ligne, l'entrevue du premier ministre Stephen Harper sur YouTube avait été regardée, en partie ou au complet, par 43 000 personnes.

En comparaison, la vidéo de la prestation surprise de M. Harper au Centre national des arts, où il chante With a Little Help From My Friends, des Beatles, en s'accompagnant au piano a été vue par plus de 700 000 personnes.

Si le premier ministre souhaitait cibler les jeunes, très actifs sur YouTube, il a raté son coup, croit M. Bélanger, spécialiste des médias sociaux.

«L'idée est louable de capitaliser sur un phénomène social et technologique incontournable. Mais les jeunes ne peuvent pas rester stationnaires plus de quelques minutes, a jugé M. Bélanger. Eux nous donnent un show statique, immobile, complètement plat. On brise toutes les règles des médias numériques. C'est loin d'être sexy!»