Le bras de fer s'intensifie entre le gouvernement Harper et l'opposition à propos de la divulgation de documents confidentiels sur le transfert de détenus afghans. Les trois partis de l'opposition ont soutenu, hier, que les troupes conservatrices violent les privilèges parlementaires en refusant de produire les documents non censurés comme le leur intime un ordre du Parlement adopté avant la prorogation de la session, au mois de décembre.

Une motion déposée par le NPD et appuyée par le Bloc québécois pourrait même mener au blâme sévère de trois ministres du gouvernement de Stephen Harper.

 

L'opposition souhaite «que la Chambre considère que le refus du gouvernement de fournir les documents spécifiés dans l'ordre du 10 décembre 2009 équivaut à un outrage de la Chambre, et en conséquence ordonne que le ministre de la Défense nationale, le procureur général du Canada et le ministre des Affaires étrangères soient appelés immédiatement à la Barre de la Chambre» pour entendre l'ordre qui leur sera donné, dit la motion.

Le gouvernement aurait ensuite 30 jours pour fournir l'ensemble des documents au comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan, dont les membres auraient au préalable adopté des règles pour «recevoir et traiter les documents exigés» tout en protégeant la sécurité nationale et en préservant la confidentialité des renseignements.

Si le gouvernement refuse d'obtempérer, la motion prévoit «que le ministre de la Défense nationale, le procureur général du Canada et le ministre des Affaires étrangères soient reconnus coupables d'outrage».

Validité de la motion

Le président de la Chambre des communes, Peter Milliken, a mis la cause en délibéré et devrait rendre la semaine prochaine une décision sur la validité de cette motion. Il se prononcera aussi sur une autre motion présentée par le député libéral Derek Lee, qui accuse le gouvernement d'intimidation des témoins, toujours dans le dossier des détenus afghans.

M. Milliken a indiqué qu'il souhaitait entendre la version des trois ministres en cause, Lawrence Cannon (Affaires étrangères), Peter MacKay (Défense nationale) et Rob Nicholson (procureur général) avant de prendre une décision sur «cette question difficile».

«C'est vraiment une question de démocratie, a estimé l'instigateur de la motion, le député néo-démocrate Jack Harris. Nous pensons que le gouvernement abuse de son pouvoir en empêchant le Parlement de faire son travail, qui est justement de demander des comptes au gouvernement.»

Vote de confiance ?

Le premier ministre pourrait toutefois choisir de faire de cette motion un vote de confiance, ce qui entraînerait la chute de son gouvernement si l'opposition votait unanimement en faveur.

«Si le gouvernement décide qu'il en fait une question de confiance, on aura des élections, c'est tout, a déclaré le député du Bloc québécois, Claude Bachand. Nous, on a toujours dit qu'on ferait face à nos responsabilités.»

Pour le chef du NPD, Jack Layton, c'est M. Harper qui aura à porter l'odieux d'élections hâtives si son gouvernement est renversé sur ce refus de produire les documents que lui demande le Parlement.

Du côté du Parti libéral, on était beaucoup plus prudent, hier, quant à l'issue des deux motions.

«Je ne présumerai pas de la décision du président de la Chambre, M. Milliken. Il faut respecter sa décision, a souligné le critique libéral en matière d'affaires étrangères, Bob Rae. S'il décide qu'il y a eu violation des privilèges parlementaires, nous devrons, avec les leaders parlementaires, discuter de la prochaine étape logique.»

Sur les ondes de CTV, hier, le ministre Cannon a affirmé que son gouvernement continuerait à refuser de remettre les documents non censurés, même si lui et ses collègues doivent être reconnus coupables d'outrage au Parlement. «Absolument, c'est pour la sécurité de nos soldats», a-t-il dit.