Michael Ignatieff s'est montré ouvert, hier, à la proposition d'une «franchise santé» contenue dans le budget du gouvernement Charest. «Nous croyons, et c'est une question de détail, que les propositions de Québec sont conformes à la loi nationale sur la santé», a déclaré le leader libéral. Mais la conformité de cette mesure à la loi fédérale soulève quand même des doutes chez les experts.

Il s'agit d'une prise de position importante venant du chef du parti qui a adopté l'actuelle Loi canadienne sur la santé alors qu'il formait le gouvernement, en 1984. L'un des objectifs principaux de cette loi était précisément d'empêcher les provinces de facturer des frais supplémentaires ou des frais modérateurs aux usagers. Depuis, les libéraux ont toujours défendu bec et ongles le principe d'accessibilité qui y est contenu, comme ils l'avaient fait avec l'Alberta il y a quelques années.

 

Dans son budget présenté mardi, Québec a annoncé qu'il étudierait la possibilité d'instaurer une «franchise santé», calculée en fonction du nombre de visites médicales faites pendant l'année. Elle n'est pas à confondre avec la «contribution santé», qui imposera aux particuliers des frais fixes de 25$ dès le calcul de leurs impôts 2010 - jusqu'à 200$ en 2012.

Dans les faits, la question de savoir si cette franchise santé sera conforme ou non à la Loi canadienne sur la santé demeure toutefois sans réponse. D'abord, cette franchise n'est qu'au stade de l'étude, a insisté le premier ministre québécois, Jean Charest. Puis, le gouvernement Harper a refusé de prendre position, hier.

«La Loi canadienne sur la santé demeure la règle, a simplement indiqué une porte-parole de la ministre fédérale de la Santé, Leona Aglukkaq. Nous nous attendons à ce que les provinces et les territoires respectent cette loi.»

L'importance des détails

Selon Marie-Claude Prémont, professeure de droit de la santé de l'École nationale d'administration publique, la «contribution santé» n'aura pas trop de difficulté à passer le test de la loi fédérale, la formule étant déjà en place dans certaines provinces, dont l'Ontario. Mais pour la franchise santé, c'est une autre histoire.

André-Pierre Contan-driopoulos, du département d'administration de la santé à l'Université de Montréal, est du même avis. «Il s'agit là de quelque chose qui est nettement contraire à l'esprit de la Loi canadienne sur la santé, qui dit de façon tout à fait explicite que toutes les mesures financières qui pourraient avoir comme effet de limiter l'accès de certains à des services de santé est contraire aux conditions nécessaires pour que le fédéral fasse des paiements de transferts prévus aux provinces», a expliqué le professeur.

À Québec, on dit miser sur la distinction entre «modérateur» et «orienteur» pour rester conforme aux lois en vigueur. «Mais c'est à vérifier, à confirmer», a convenu le porte-parole du ministère des Finances, Jacques Delorme.

Les libéraux provinciaux pourraient néanmoins s'être trouvé de nouveaux partenaires chez les libéraux fédéraux.

«Les gens ont besoin d'un système de santé bien fondé, bien financé, d'un côté. Et de l'autre côté, on doit garantir que chaque mesure fiscale n'exclue personne», a déclaré Michael Ignatieff, hier.

«Ça, c'est le travail d'un bon gouvernement provincial. Nous sommes prêts à travailler avec le gouvernement Charest. D'ailleurs, j'ai abordé ce thème avec M. Charest il n'y a pas si longtemps.»