Tout indique que le gouvernement conservateur ira cette fois de l'avant avec son projet de loi qui créerait 30 nouveaux sièges ailleurs au pays, et qui réduirait sensiblement le poids politique du Québec au sein du Canada.

Jeudi, Steven Fletcher, ministre d'État à la réforme démocratique, et Steven Blaney, député conservateur de Lévis-Bellechasse, ont indiqué qu'ils espéraient que leur projet de loi puisse être mis en application dès l'an prochain.

 

«Nous croyons que les Canadiens d'un océan à l'autre méritent d'être représentés équitablement à la Chambre des Communes», a déclaré M. Blaney, faisant allusion à la croissance démographique de certaines provinces.

Suivant la nouvelle formule, l'Ontario gagnerait 18 nouveaux sièges, l'Alberta en gagnerait 5 et la Colombie-Britannique, 7 de plus. Le Québec conserverait ses 75 députés, mais au sein d'un Canada qui ne compterait plus 308 sièges, mais 338.

Selon le chef du Bloc, Gilles Duceppe, ce projet de loi est plus qu'inquiétant. «Ça montre que les Québécois, de plus en plus, seront en minorité.»

«Plus les minorités sont faibles, moins elles sont écoutées, renchérit en entrevue Réjean Pelletier, professeur de sciences politiques à l'Université Laval.

Est-ce une cause perdue? Est-ce certain que le projet de loi cheminera jusqu'au bout, alors qu'un tel projet de loi est déjà mort au feuilleton en 2007?

M. Pelletier doute que les libéraux et le NPD fassent obstacle à ce projet de loi avec le Bloc. Après tout, dit M. Pelletier, ces deux partis ont tout à gagner à voir le nombre de circonscriptions être revu à la hausse dans des provinces où ils sont généralement populaires. D'un strict point de vue mathématique, une réforme s'impose.

Par contre, deux exceptions empêchent déjà une vraie représentation à l'état pur.

La clause sénatoriale de 1915 fait en sorte qu'aucune province ne peut avoir moins de députés qu'elle n'a de sénateurs. Cela étant dit, c'est bien artificiellement et sans commune mesure avec le nombre de ses citoyens, note M. Pelletier, que l'Île-du-Prince-Édouard compte quatre députés et le Nouveau-Brunswick, dix.

Depuis 1985, une autre clause - dite clause grand-père - stipule qu'aucune province ne peut avoir un nombre de députés inférieur à celui qu'elle avait cette année-là.

Théoriquement, on pourrait ajouter une troisième exception qui viserait spécialement à protéger le poids du Québec, comme les précédentes ont servi jusqu'ici à protéger les provinces moins populeuses de façon générale.

«On pourrait créer une clause spéciale pour le Québec, au nom de son caractère distinctif et de sa spécificité, mais il ne faut pas compter là-dessus, croit M. Pelletier. Dans le reste du Canada, ça ne passerait pas.»