Le gouvernement fédéral a englouti 52 millions de dollars pour créer un nouveau programme informatique dans le but de simplifier les milliards de dollars d'achat de biens et services par année de tous les ministères. Mais l'an dernier, le ministère des Travaux publics a mis la hache dans ce programme après avoir constaté que très peu de fonctionnaires l'utilisaient.

Ce programme, qui devait permettre aux ministères d'acheter en gros des biens et services grâce à un outil électronique, devait révolutionner la manière de faire des achats au sein de l'appareil gouvernemental. Le Marché en direct du gouvernement du Canada (MDGC) devait aussi permettre au gouvernement, à la longue, de faire des économies substantielles avoisinant le milliard et demi de dollars, selon les calculs des hauts fonctionnaires. Bon an, mal an, Travaux publics achète pour quelque 10 milliards de dollars de biens et de services.

Or, cet ambitieux projet s'est avéré un échec assez retentissant, si l'on se fie à des documents du Ministère des Travaux publics obtenus par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Tout au plus 700 fonctionnaires ont utilisé ce nouvel outil, selon les dernières statistiques du ministère glanées en janvier 2009. Travaux publics a décidé d'abolir ce programme, après y avoir consacré la somme de 52 millions de dollars, quatre mois plus tard.

Pourquoi ce programme a-t-il été un éléphant blanc? Parce que les ministères n'étaient pas obligés de s'en servir. Aussi on a constaté que «les gros systèmes centralisés tels que le MDGC n'offrent pas aux ministères des services qui répondent à leurs besoins en matière d'approvisionnement de biens et de services», peut-on lire dans des notes d'informations rédigées à l'intention du ministre des Travaux publics.

Le Ministère estimait que la mise sur pied du programme dans son ensemble coûterait entre 250 et 460 millions de dollars sur une période de 10 ans. Mais on a décidé de mettre la hache dans le programme avant d'engager toute cette somme.

L'idée de créer un tel programme est née en 2001 sous les libéraux de Jean Chrétien. Mais la majeure partie des dépenses ont été occasionnées sous les conservateurs de Stephen Harper.

«Plus ça change, plus c'est pareil. On a dépensé 52 millions de dollars pour finalement n'épargner aucun sou. C'est beaucoup d'argent. Bel exemple de mauvaise gestion des fonds publics!» a déploré hier Kevin Gaudet, le directeur de la Fédération des contribuables canadiens.

M. Gaudet a souligné qu'on aurait pu acheter une cinquantaine d'appareils d'imagerie par résonance magnétique (IRM) pour des hôpitaux avec une telle somme.

«La seule consolation, c'est que le Ministère a mis fin au programme avant qu'il ne devienne trop coûteux. On ne peut pas en dire autant du registre des armes à feu ou du programme de commandites», a affirmé M. Gaudet.

Au ministère des Travaux publics, on a expliqué qu'un «examen minutieux» du programme en 2008-2009 avait permis de conclure qu'il ne répondait pas aux besoins des ministères.

«Le Ministère a analysé l'utilisation du catalogue électronique et a conclu qu'il n'était pas largement utilisé, car c'était un outil limité qui n'était pas relié aux systèmes financiers des ministères. À cause des coûts annuels de fonctionnement du catalogue et de son faible taux d'utilisation, le rapport coût-efficacité de ce catalogue a été jugé trop faible. (...) Dans le contexte actuel, les nouvelles technologies exploitées sur l'internet offrent des options progressives et plus abordables pour arriver à un environnement d'achat électronique», a indiqué Nathalie Bétoté Akwa, porte-parole de Travaux publics.

- Avec la collaboration de William Leclerc