Accablée depuis plusieurs semaines par des allégations gênantes, la ministre d'État à la Condition féminine, Helena Guergis, a démissionné de son poste. Le premier ministre Stephen Harper en a fait l'annonce hier midi, dans un point de presse de dernière minute tenu devant les portes de la Chambre des communes.

M. Harper a expliqué que son bureau avait été mis au courant jeudi soir d'«allégations sérieuses en ce qui a trait à la conduite» de son ex-ministre. Il n'a pas voulu préciser quelles étaient ces allégations, mais il a remis le dossier au commissaire à l'éthique et à la GRC.

«Mme Guergis a offert sa démission du Ministère et je l'ai acceptée», a-t-il dit. Il a ajouté qu'en attendant l'issue des enquêtes, Helena Guergis serait exclue du caucus conservateur. Elle siégera donc comme députée indépendante de la circonscription ontarienne de Simcoe-Grey pour une période indéterminée. C'est la ministre des Travaux publics, Rona Ambrose, qui prendra en charge son portefeuille de la Condition féminine.

La ministre Guergis et son mari, l'ancien député conservateur Rahim Jaffer, sont au centre d'une tempête médiatique, politique et juridique depuis plusieurs mois. M. Jaffer a été arrêté en septembre pour conduite avec facultés affaiblies et possession de cocaïne. Il a finalement plaidé coupable à une accusation réduite de conduite dangereuse et a été condamné à une amende de 500$, le mois dernier.

Depuis, de nouvelles révélations sur le couple sont rapportées de façon régulière dans les médias canadiens. La ministre a récemment fait parler d'elle lorsqu'elle a fait une crise à l'aéroport de Charlottetown parce qu'elle refusait d'enlever ses bottes à un point de fouille. La semaine dernière, c'est un prêt hypothécaire pour la totalité de la valeur de la nouvelle maison du couple à Ottawa qui a soulevé des questions de traitement de faveur.

Les partis de l'opposition avaient réclamé la démission de la ministre, mais M. Harper avait pris sa défense jusqu'à hier. Mme Guergis était ministre depuis 2008.

Le NPD et le Parti libéral ont réclamé de M. Harper hier qu'il révèle la teneur exacte des allégations au sujet de son ancienne ministre. «C'est une espèce d'effeuillage auto-imposé», a raillé le chef adjoint du NPD, Thomas Mulcair.

Selon lui, le gouvernement n'aura d'autre choix que de passer aux aveux, vu la pression que les partis de l'opposition promettent de lui faire subir dès la reprise des travaux parlementaires, lundi.

«Peut-être que le gouvernement espère que le nuage va passer. On ne peut pas attendre. Il faut que l'on soit clairs sur la nature des allégations», a renchéri le chef libéral, Michael Ignatieff.

Mais le premier ministre Harper et son porte-parole, Dimitri Soudas, ont refusé d'en dire davantage, ni même s'il s'agissait d'allégations qui avaient déjà circulé au cours des dernières semaines.

«Ces allégations ont rapport à la conduite de Mme Guergis et n'impliquent aucun autre ministre, député, sénateur ou employé du gouvernement fédéral», a martelé Stephen Harper.

***

Quelques frasques

Il y a un mois et demi, la ministre Helena Guergis a dû s'excuser pour avoir fait une crise à l'aéroport de Charlottetown, après qu'un agent de fouille lui eut demandé d'enlever ses bottes pour passer les points de sécurité.

Il y a deux jours, un article publié dans le Toronto Star a indiqué que le mari de Mme Guergis, l'ancien député conservateur Rahim Jaffer, utilisait le téléphone BlackBerry de sa femme, payé par les contribuables. L'enquête du quotidien torontois raconte aussi en détail la soirée bien arrosée et accompagnée de prostituées qui s'est soldée par l'arrestation de M. Jaffer en septembre pour conduite avec facultés affaiblies et possession de cocaïne.

La semaine dernière, c'est l'achat d'une coûteuse maison dans un quartier cossu d'Ottawa et avec une hypothèque de 880 000$ qui a fait les manchettes des journaux. Les libéraux ont réclamé une enquête pour savoir si le couple avait bénéficié d'un traitement de faveur en obtenant un prêt hypothécaire sans déposer de mise de fonds de 5%, comme le veut la loi.

Le quotidien Ottawa Citizen a publié un article hier matin affirmant qu'Helena Guergis avait inclus l'achat de souliers et de vêtements de jogging dans son rapport de dépenses pour la dernière campagne électorale. Ces dépenses sont généralement remboursables à 60% de leur valeur.

Il y a 10 jours, voyant leur patronne dans l'embarras, deux employées de Mme Guergis ont avoué avoir écrit des lettres aux médias vantant les qualités de la ministre, mais sans s'identifier comme faisant partie de son équipe - l'une d'elles ayant même signé de son nom de fille.