Le Canada anglais a tort d'enterrer le mouvement souverainiste, dit Gilles Duceppe, répliquant ainsi à ses détracteurs qui ont ridiculisé, dans les dernières semaines, la tournée pancanadienne du chef du Bloc québécois.

Commentateurs, éditorialistes et médias du Canada anglais ont en effet accueilli avec scepticisme la visite dans six villes canadiennes du leader bloquiste, jugeant pour la plupart que la souveraineté du Québec n'est plus à l'ordre du jour.

«Ils entretiennent l'illusion. Et ça, c'est une erreur, a estimé M. Duceppe, en entrevue à La Presse. Le Québec n'a pas signé la Constitution. Le Bloc a remporté six élections consécutives, avec des majorités très fortes. On frise les 40% dans les sondages et la souveraineté est entre 40 et 45%. Voilà la situation.»

Mais si le projet est, selon lui, bien vivant, vendre l'idée d'un Québec souverain au Canada anglais n'est pas une tâche facile, a-t-il concédé.

«Est-ce que les gens dans le Canada sont pour la souveraineté? Bien sûr que non, a dit le chef bloquiste. Mais il faut, en démocratie, dialoguer.»

Au lendemain d'une éventuelle séparation du Québec, les Canadiens anglais «ne feront peut-être pas la fête dans les rues en dansant, a-t-il soutenu. Mais combien d'entre eux vont être fâchés au point d'arrêter de faire du commerce avec le Québec et de perdre six milliards de dollars par année? Six milliards par année, c'est la balance commerciale en faveur de l'Ontario dans les échanges avec le Québec.»

«On ne changera pas la géographie», a ajouté M. Duceppe.

Bien qu'il n'ait aucun siège à gagner à l'extérieur du Québec, le fait de démystifier le projet souverainiste dans le Canada anglais n'est pas un exercice vain, selon lui.

«Il importe de faire ça. Ils s'aperçoivent qu'on ne mange pas des bébés pour déjeuner, a-t-il lancé. On est des gens raisonnables.»

Partout où il est allé, de Fredericton, où il a rencontré des membres de la communauté acadienne, à Vancouver, en passant par St. John's (Terre-Neuve), Toronto, Edmonton et Calgary, M. Duceppe juge que les rencontres qu'il a eu étaient «civilisées».

«On me disait: il n'y aura aucun intérêt, a-t-il raconté. Mais il y a eu 200 étudiants à une assemblée à Terre-Neuve. Et beaucoup de questions portant essentiellement sur la souveraineté.»

Selon le chef bloquiste, il y aurait aussi certains avantages, pour le Canada, à ce que le Québec devienne souverain.

«Il y a beaucoup de choses qu'ils ne peuvent pas faire parce qu'on est là et il y a beaucoup de choses qu'on ne peut pas faire et qu'on pourrait faire si on n'était pas là», a-t-il expliqué. Il a cité en exemple la réforme du Sénat. «Tant que le Québec sera là, ça ne se fera pas», a-t-il conclu.