L'ancien député conservateur Rahim Jaffer a passé un mauvais quart d'heure hier en comité parlementaire, où il a tenté de s'expliquer et de repousser les attaques de ses anciens collègues - incluant celles des conservateurs.

M. Jaffer a nié en bloc la plupart des allégations faites contre lui au cours des derniers mois: il n'a jamais pris de drogue, a-t-il affirmé, tout comme il n'a jamais fait de lobbyisme auprès du gouvernement, il n'a jamais prétendu avoir un accès privilégié au bureau du premier ministre Stephen Harper et il ne s'est jamais servi de ses cartes professionnelles de député après avoir été défait lors des élections de 2008.

 

Tout au plus a-t-il admis avoir entreposé quelques boîtes dans le bureau de sa femme au parlement, en attendant de se trouver un nouveau bureau.

Une note biographique retirée récemment de son site web personnel s'est retrouvée au centre de son témoignage. M. Jaffer y présentait son travail au sein de son entreprise, Green Power Generation, comme étant de fournir «aux entreprises une expertise en matière de financement corporatif pour les aider à obtenir du soutien du gouvernement canadien».

La description ajoutait que M. Jaffer «joue un rôle crucial en développement des affaires et en marketing grâce aux nombreuses relations qu'il a développées lors de son ancienne carrière de parlementaire».

M. Jaffer a d'abord tenté d'expliquer qu'il s'agissait d'une description de son travail d'avant son départ de la politique. Mais le ton de ses anciens collègues est devenu plus cinglant lorsqu'ils ont pris connaissance d'une copie papier de la page web en question, vers la fin de la réunion.

«Ce qui me dérange (...), c'est que nous vous avons devant un comité, vous affirmez une chose et j'ai maintenant un document qui indique quelque chose de différent», a lancé le député albertain Chris Warkentin.

«Nous sommes tous en politique pour faire quelque chose de bon pour les Canadiens... Je ne sais pas si c'est votre intention. Mais vous devez comprendre que ce genre de comportement souille nos noms à tous.»

Lobbyisme en deux temps?

Rahim Jaffer est dans l'embarras depuis plusieurs mois. En septembre, il a été accusé de conduite avec facultés affaiblies et de possession de cocaïne. Il a finalement plaidé coupable à une accusation réduite de conduite dangereuse.

Sa femme, l'ex-ministre de la Condition féminine, Helena Guergis, a perdu son portefeuille et s'est fait expulser du caucus de son parti il y a quelques semaines, après que le premier ministre Stephen Harper eut affirmé avoir été mis au courant d'«allégations sérieuses» la concernant. Il a envoyé le dossier à la GRC, mais il n'a jamais voulu dire quelles étaient ces allégations.

M. Jaffer a refusé de commenter la situation de sa femme, hier. Il s'est contenté de dire qu'ils avaient été victimes d'une campagne visant à salir leur réputation. Il a appelé les parlementaires à relever le niveau du débat, qualifiant les audiences du comité de «cirque». Il s'est dit confiant de voir sa femme regagner les rangs du caucus conservateur.

Rahim Jaffer et son associé Patrick Glémaud, qui comparaissait avec lui, ont par ailleurs été appelés à répondre aux allégations faites récemment par le député conservateur Brian Jean, selon lesquelles ils l'auraient approché avec trois propositions de clients dans le but d'avoir accès aux subventions du fonds gouvernemental de 1 milliard de dollars pour les infrastructures vertes.

M. Glémaud a confirmé qu'il avait envoyé ces propositions, qu'il a décrites comme des sommaires exécutifs, par courriel au secrétaire parlementaire du ministre des Transports, qui est responsable du fonds. Mais, selon lui, il s'agissait d'une démarche préliminaire visant à déterminer le potentiel des projets, et non d'une demande en bonne et due forme. «Si nous nous étions rendus à cette étape (la demande), alors j'aurais décidé de m'enregistrer comme lobbyiste», a-t-il fait valoir.

Trous de mémoire

En terminant la réunion, le comité a ordonné aux deux administrateurs de Green Power Generation de fournir dans les 24 heures les noms de trois entreprises visées par ces démarches auprès de M. Jean. Patrick Glémaud a d'abord refusé, invoquant la nécessité de laisser l'enquête du commissaire au lobbyisme suivre son cours. Puis, devant l'insistance de la présidente du comité, il a affirmé qu'il ne se souvenait plus de ces noms.