Le gouvernement Harper tient mordicus à réformer le Sénat, mais il souhaite maintenant que les provinces supportent l'essentiel des coûts de cette réforme controversée, a appris La Presse.

Il n'est pas étonnant, donc, que les provinces aient reçu avec une certaine indifférence la dernière mouture proposée la semaine dernière par le ministre d'État responsable de la réforme démocratique, Steven Fletcher.

 

Cette réforme, contenue dans le projet de loi S-8, propose un cadre dont devraient s'inspirer les provinces qui acceptent d'élire des candidats que le premier ministre pourrait nommer au Sénat.

Les provinces ne sont pas obligées de participer à cet exercice, mais celles qui acceptent devront adopter un modèle d'élection semblable à celui qui est en vigueur en Alberta depuis l'adoption du Senatorial Selection Act, en 1989.

Qui paiera la facture de ces élections? Les provinces, a confirmé à La Presse Jessica Georgakopoulos, la porte-parole du ministre Fletcher.

«Si une province décide de participer à ce processus démocratique, elle devrait en payer les coûts. Les coûts dépendraient du mode d'élection choisi par la province», a dit Mme Georgakopoulos

À titre d'exemple, Mme Georgakopoulos a indiqué que, en 1998, les élections sénatoriales en Alberta ont coûté 3,4 millions de dollars. Trois candidats avaient été élus lors de ce scrutin, tenu en même temps que les élections générales.

Par ailleurs, le premier ministre n'est pas obligé de nommer la personne élue. En effet, le projet de loi dit seulement que le premier ministre «s'engage à prendre en considération les noms sur une liste de candidats élus présentée par les provinces qui tiennent un processus de consultation».

Deux des candidats élus en Alberta ont été nommés au Sénat. Il s'agit de Stan Waters, réformiste nommé par Brian Mulroney en 1990, et Bert Brown, conservateur nommé par Stephen Harper en 2007.

L'Alberta est la seule province à organiser des élections sénatoriales, mais la Saskatchewan s'est engagée à lui emboîter le pas, et le Manitoba et la Colombie-Britannique y songent. Le Québec, lui, s'oppose farouchement aux changements proposés par Ottawa, estimant qu'on ne peut apporter de réforme sans le concours des provinces.

Le projet de loi S-10 est la troisième tentative des conservateurs pour introduire une formule visant à élire les sénateurs. Les deux autres projets de loi (C-43 et C-20) n'ont jamais été adoptés, soit parce que des élections ont été déclenchées, soit parce que le premier ministre a décidé de proroger le Parlement.

Le projet de loi C-20, déposé en novembre 2007, prévoyait que le gouvernement fédéral organise des élections dans les provinces où se trouverait un siège vacant au Sénat. Le directeur général d'Élections Canada devait superviser le processus.

Des documents obtenus par La Presse grâce à la Loi sur l'accès à l'information démontrent que ces élections auraient été passablement coûteuses - entre 42 et 60 millions de dollars, selon les estimations d'Élections Canada. En quatre ans (la durée normale du mandat d'un gouvernement majoritaire), les coûts totaux auraient oscillé entre 96 millions et 146 millions de dollars.

Cette formule, a-t-on confirmé au bureau du ministre Fletcher, est remplacée par le projet de loi S-8. Un autre projet de loi, le projet C-10, vise à limiter à huit ans le mandat des sénateurs.

- Avec William Leclerc