Pour les quelques milliers de militants anti-avortement qui applaudissaient sous ses fenêtres, le premier ministre Stephen Harper vient d'offrir ce qu'ils espèrent être la première d'une série de victoires pour leur mouvement. Et ces militants ne s'arrêteront pas là.

Chaque année, ils organisent une marche jusqu'à la colline parlementaire pour dénoncer le droit à l'avortement.

Cette année, ils étaient plutôt là pour «célébrer ce que nous avons accompli l'année dernière et ce que nous allons accomplir l'année prochaine», s'il faut en croire Brad Trost, l'un des 18 députés conservateurs qui a participé à l'événement. Il y avait aussi trois députés libéraux connus pour leurs convictions anti-avortement.

Au coeur de leur réjouissance, la décision du gouvernement canadien de ne pas financer l'avortement dans les pays du tiers-monde, à travers l'initiative que le G8 met sur pied pour la santé maternelle.

Cette décision faisait dire à Janet Morana, une militante américaine anti-avortement: «Nous sommes très satisfaits de voir que le Canada prend cette position pro-vie.» Elle a fait le voyage jusqu'à Ottawa pour participer à la marche.

Elle estime que M. Harper reprend ainsi le flambeau allumé par George W Bush et étouffé par Barack Obama lorsque le président américain actuel a annulé l'ordre de ne pas financer l'avortement à l'étranger.

Même satisfaction chez le Cardinal Marc Ouellet, primat du Canada, chaudement applaudi par la foule lorsqu'il a déclaré que «notre gouvernement a eu le courage de résister aux pressions qui voulaient faire financer des programmes d'avortement dans les pays du tiers-monde. (...) Nous appuyons ce qui se fait à l'étranger (...) Mais nous aimerions voir un peu plus de courage, un peu plus de courage, pour en faire plus au Canada pour défendre les droits de ceux qui ne sont pas encore nés.»

«Peut-être que le premier pas, a avancé un autre député conservateur, Dean Del Mastro, est de déterminer à quel moment commence la vie.»

Le député s'est dit prêt à défendre son point de vue.

«Je suis prêt à avoir cette conversation», a assuré M. Del Mastro à la foule alors que M. Harper répète depuis quatre ans qu'il ne rouvrira pas le débat sur l'avortement.

Rod Bruinooge, le président du caucus anti-avortement, qu'il estime à une trentaine de députés conservateurs et libéraux, a fait la promotion de son projet de loi privé, C-510. Ce projet vise à rendre criminel l'acte de convaincre une femme d'avorter, en exerçant sur elle des pressions physiques ou psychologiques.

Si, lorsqu'il a présenté ce projet de loi, M. Bruinooge assurait qu'il ne cherchait aucunement à rouvrir le débat sur l'avortement, devant la foule de sympathisants, il a plutôt dit, faisant référence à C-510, que «dans le mouvement pro-vie, au Canada, je pense qu'il est toujours important de faire des pas, des petits pas, afin de reconnaître la valeur de ceux qui ne sont pas encore nés.»

Jeff Watson, député conservateur d'Essex, en Ontario, s'est lancé dans ce qui ressemblait à un sermon truffé de références bibliques, avant de conclure: «Nous pouvons tous déclarer ensemble que nous aurons au Canada une culture qui appuie la vie du moment de la conception jusqu'à la mort naturelle. (...) Nous pouvons tous déclarer ensemble que s'est terminé le vieux débat sur l'avortement et que naît un nouveau jour au Canada où l'avortement sera impensable. Je crois que nous pouvons tous dire Amen à cela.»

Étaient absents du rallye, tous les ministres du gouvernement Harper, y compris le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Jason Kenney, qui avait pris l'habitude, pourtant, d'y participer.