Alors qu'une nouvelle crise se dessine à Kanesatake, le gouvernement fédéral n'entend pas directement intervenir pour dénouer l'impasse.

«Nous allons laisser les acteurs concernés se parler et trouver un terrain d'entente», a indiqué à La Presse Michel Roy, sous-ministre adjoint principal au ministère des Affaires indiennes et du Nord du Canada.

Pourtant, les parties en cause ont réclamé hier l'intervention d'Ottawa pour régler le différend dont tout le monde parle ces jours-ci à Kanesatake, une communauté autochtone à 40 km de Montréal.

Au coeur du litige, un projet immobilier sur une terre de 1,2 hectare le long de la route 344, à Oka, juste en face de la fameuse pinède qui avait été l'épicentre de la fameuse «crise d'Oka», en 1990.

Ce terrain fait partie d'un vaste territoire revendiqué depuis des années par les Mohawks de Kanesatake. Le grand chef du conseil de bande de Kanesatake, Sohenrise Nicholas, est formel: la terre, qui est située sur le territoire de la ville d'Oka, appartient historiquement aux siens. «Ces arbres, ce sont nos ancêtres qui les ont plantés», a lancé M.Nicholas en montrant du doigt les pins centenaires qui s'élèvent sur le terrain convoité.

Le promoteur Normand Ducharme ne s'attendait pas à une telle levée de boucliers lorsqu'il a acheté la terre à un couple de Blancs, en 2008. M.Ducharme, qui gère une PME avec son fils, y a investi toutes ses économies. «Lors de l'achat, l'ancienne administration de la Ville nous a assuré qu'il n'y avait pas de revendication territoriale là-dessus et que le problème était réglé depuis 1990», dit M.Ducharme.

Dès cet été, le promoteur montréalais prévoit y construire trois maisons afin de les revendre à profit. Il attend un permis pour lotir le terrain. Il demandera ensuite un permis de construire.

La Ville d'Oka va-t-elle le délivrer? Le maire de la municipalité, Richard Lalonde, n'a pas souhaité se prononcer sur cette épineuse question, hier.

Le promoteur entend envoyer une mise en demeure à la Ville si elle refuse d'émettre un permis sans motif juridique valable.

Tout comme les autorités de Kanesatake, Richard Lalonde souhaite à tout prix éviter un affrontement. Il demande donc à Ottawa d'intervenir. «Pendant la crise de 1990, les Mohawks revendiquaient déjà cette bande de terre au fédéral, a souligné Richard Lalonde. Ottawa pourrait donc boucler la boucle.» Normand Ducharme espère lui aussi une intervention d'Ottawa, à qui il accepterait volontiers de vendre sa terre.

Michel Roy, des Affaires indiennes, ferme toutefois la porte à cette éventualité. Oui, le fédéral a acheté des terres en 1990 pour permettre aux Mohawks de s'y établir, mais c'était une «exception», dit-il.

M.Roy rappelle que le fédéral a débloqué 2,5 milliards en 10 ans pour offrir des compensations financières aux groupes autochtones. Le gouvernement vient d'ailleurs de commencer la négociation avec les Mohawks. «S'ils le désirent, les groupes pourront utiliser l'argent pour racheter certaines terres sous certaines conditions», a indiqué le sous-ministre.