Pierre-Claude Nolin s'inscrit en faux contre la réforme du Sénat chère à Stephen Harper. Il est devenu le premier sénateur conservateur à s'opposer haut et fort aux tentatives du premier ministre de mettre en place un Sénat élu, hier, lors d'un discours prononcé à la Chambre haute. La sortie a provoqué un débat public avec ses collègues de son propre caucus.

Évoquant l'objectif du triple «E» recherché par M. Harper depuis ses années avec le Reform Party (élu, égal et efficace), l'ancien organisateur de Brian Mulroney a fait valoir que le projet de loi S-8 nuirait à l'efficacité du Sénat, tout en allant contre l'intention des Pères de la Confédération de faire de la Chambre haute un lieu de réflexion non-partisane.

 

«L'élection des candidats au poste de sénateur n'équivaut pas à cette efficacité, a-t-il dit. Tout ce que ce «E» - élection - nous procure, c'est la popularité. La popularité, c'est le lot de la Chambre des communes. Nous ne sommes pas la Chambre des communes, nous sommes le Sénat du Canada, nous sommes là pour offrir aux Canadiens un travail efficace.»

Selon lui, une telle réforme aurait non seulement pour effet de diviser les deux Chambres du Parlement canadien en créant un «concours de popularité», mais elle augmenterait les inégalités dans la représentation de certains groupes - dont les femmes et les autochtones - en plus de décourager des candidats de qualité qui souhaiteraient siéger à Ottawa sans être prêts à jouer le jeu d'une campagne électorale.

Première lecture

Le projet de loi S-8, la dernière tentative en date du gouvernement Harper pour réaliser cet objectif de longue date, obligerait le premier ministre à considérer les résultats d'élections lors de sa nomination de sénateurs. À l'heure actuelle, il est libre de nommer qui bon lui semble. Le projet de loi, introduit directement au Sénat en avril et auquel le gouvernement du Québec s'oppose, en est toujours en première lecture.

Le bureau de Stephen Harper a mis un certain temps à réagir à la sortie de son sénateur, habitué à exprimer ses opinions.

«Nous n'avons pas de commentaire spécifique sur la déclaration du sénateur Nolin», a finalement fait savoir un porte-parole du premier ministre, Carl Vallée.

Au Sénat, le discours du sénateur Nolin a néanmoins suscité un débat entre lui et ses collègues du caucus conservateur. Bert Brown, l'un des plus ardents défenseurs du «triple E», et nommé récemment à la Chambre haute par Stephen Harper, a demandé à M. Nolin de lui expliquer «pourquoi les médias canadiens sont unanimes pour qualifier ce lieu d'illégitime depuis plus de 100 ans».

Le sénateur Nolin a répondu que les derniers sondages qu'il avait vus parlaient plutôt d'une division à 50-50 dans l'opinion publique. Il a toutefois ajouté que la question en était davantage une d'efficacité, et non de popularité. «Ce que les médias pensent, ça ne me dérange pas trop», a-t-il dit.

Pour joindre Hugo de Grandpré: hdegrand@lapresse.ca