Travaux de comités entravés, employés muselés, ministres en colère: l'affrontement entre le gouvernement conservateur de Stephen Harper et les députés de l'opposition a monté d'un cran, cette semaine au Parlement, au point où même un huissier se plaint de ne pas pouvoir faire son travail.

Lundi, une assignation a été adressée au directeur des communications du premier ministre, Dimitri Soudas, pour qu'il témoigne devant le comité parlementaire sur l'éthique, qui enquête sur des allégations d'ingérence dans les demandes d'accès à l'information.

 

Or, l'huissier chargé de remettre l'assignation à M. Soudas a été incapable d'entrer en contact avec le porte-parole du premier ministre, a rapporté, incrédule, le président du comité, le député libéral Paul Szabo, hier.

Non seulement M. Soudas n'a pas rappelé l'huissier, mais ce dernier se serait vu refuser l'accès à l'édifice Langevin (où se trouvent les bureaux de M. Harper) pour des raisons de sécurité, ce qui n'a pas manqué de soulever la consternation de l'opposition.

«M. Soudas veut tout simplement ne pas respecter la loi, ce qui est assez incroyable, a jugé le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe. Je n'ai jamais vu ça ici. Jamais, jamais, jamais. La loi est claire. Vous recevez un subpoena, vous devez témoigner, a-t-il ajouté. Y a-t-il des citoyens qui seraient au-dessus des lois?»

Nouvelle directive

Le torchon brûle entre les troupes de Stephen Harper et l'opposition depuis que, la semaine dernière, le gouvernement a émis une nouvelle directive selon laquelle le personnel politique des ministres n'irait plus témoigner devant les comités parlementaires et ne répondrait plus à leurs questions. Ce sont les ministres eux-mêmes qui devront le faire, en vertu du principe de responsabilité ministérielle, souligne la directive.

«Ce sont les ministres qui doivent rendre compte de leurs actions, de celles de leurs employés et de celles de leur ministère. Donc, ce sont les ministres qui vont continuer à se présenter aux comités pour répondre aux questions», a réitéré hier le leader parlementaire du gouvernement, Jay Hill.

L'opposition estime quant à elle que la directive contrevient au principe fondamental de l'indépendance des comités parlementaires, qui ont le droit de convoquer qui bon leur semble.

Au début de la semaine, le premier ministre Harper a lui-même écrit au greffier du comité de l'éthique pour lui dire que Dimitri Soudas ne comparaîtrait pas le 10 juin prochain et que ce serait le ministre des Transports, John Baird, qui le ferait.

Outré, le député libéral Wayne Easter a jugé que cette lettre était «l'une des plus insultantes qu'un premier ministre ait écrite à un comité».

«Ce n'est pas la prérogative du premier ministre de décider qui comparaît en comité. Il faudrait qu'il réalise qu'on vit dans une démocratie, et non une dictature», a lancé M. Easter, furieux.

Pour la deuxième journée consécutive, les travaux d'un comité parlementaire ont été entravés en raison du refus du gouvernement de laisser témoigner du personnel politique. Alors qu'un employé, Sébastien Togneri, était convoqué au comité de l'éthique à la suite d'allégations d'ingérence dans une demande d'accès à l'information, c'est le ministre Christian Paradis, son patron, qui s'est présenté. Les députés de l'opposition, majoritaires au comité, ont refusé de lui poser des questions puisque ce n'était pas lui qui était convoqué, et le ministre a quitté les lieux en furie après avoir attendu deux heures, en tentant en vain de faire entendre son point de vue.

La veille, trois ministres du gouvernement Harper s'étaient présentés à la place de leurs employés à une séance du comité des opérations gouvernementales qui a tourné à la foire d'empoigne. Les députés conservateurs ont accusé leurs adversaires de vouloir créer un «tribunal fantoche» (kangaroo court).

«M. Harper et son équipe ne respectent pas le Parlement, a rétorqué le chef du NPD, Jack Layton. Ils rejettent les projets de loi adoptés à la majorité. Ils ne suivent pas les décisions de la Chambre des communes. Et ils ne respectent pas les demandes, les exigences des comités.» Le chef du Bloc a renchéri en accusant le gouvernement d'outrage au Parlement.